Cohn-Bendit pleuré par les souverainistes
19 novembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
Le Conseil d'État reconnaît désormais "l'effet direct" des directives européennes.
En 1975, Daniel Cohn-Bendit demanda l'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il avait fait l'objet le 25 mai 1968. Confronté, dans un premier temps, au refus du ministre de l'Intérieur, il fit valoir, en vain, que sa décision était contraire à la directive adoptée par le Conseil des Communautés européennes le 25 février 1964.
À la différence des règlements, rappelons que les directives requièrent une "transposition" par les autorités nationales.
À l'époque, le Conseil d'État considéra que les États membres étaient les seuls destinataires des directives, et que celles-ci « ne sauraient être invoquées par [leurs] ressortissants [...] à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel ». Sa position tranchait avec celle de la Cour de Justice de Luxembourg, dont il se rapprocha toutefois en pratique par la suite, jusqu'à revenir sur cette jurisprudence le 30 octobre dernier.
Un revirement
Appelé à statuer sur une affaire de discrimination, l'Assemblée du contentieux – la formation juridictionnelle la plus élevée du Conseil d'État – a jugé, suivant les termes du communiqué officiel, « que tout justiciable [pouvait] se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif même non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive lorsque l'État n'a pas pris, dans les délais impartis par elle, les mesures de transposition nécessaires. » "L'effet direct" des directives européennes se trouve ainsi reconnu. Et la prégnance du droit communautaire confirmée, bien que son primat fût admis de longue date : depuis 1984, par exemple, le Conseil d'État pouvait annuler les dispositions de tout acte réglementaire contraire à une directive.
Pour expliquer son revirement, la juridiction administrative invoque l'« obligation constitutionnelle » que revêtirait désormais la transposition en droit interne des directive communautaires. Depuis 1992, en effet, la constitution de la Ve République affirme la participation de la France aux Communautés et à l'Union européennes, dans les conditions fixées par les traités européens successifs. Aux yeux des juristes, l'influence des normes communautaires puise donc sa légitimité dans notre propre constitution.