Restauration communautaire

7 janvier 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Depuis la fin novembre, Quick s'essaie à la vente de hamburgers certifiés halal. Le groupe de restauration rapide se lance ainsi sur un marché porteur, qui affiche régulièrement une croissance à deux chiffres.

Le concurrent européen de McDonald's, contrôlé à 95 % par un fonds public français, s'est immiscé malgré lui dans le débat sur l'identité nationale : depuis le 30 novembre, des repas certifiés halal sont servis dans huit restaurants Quick de l'hexagone. Les hamburgers y sont garnis d'une viande issue d'un abattage rituel, opéré par égorgement  « au nom de Dieu », face à La Mecque, par un sacrificateur habilité par un organisme religieux avec l'agrément de l'État. Le porc étant réputé haram (illicite), des allumettes de dinde ont remplacé les lardons.

30 % de hausse

La démarche, expérimentale, permettra d'évaluer l'ampleur des difficultés logistiques : les prescriptions islamiques pourraient s'avérer délicates à respecter dans des cuisines où des aliments "licites" risquent de cohabiter avec quelques autres proscrits par la loi coranique. L'enseigne veillera sans doute à dissiper la méfiance des clients, alors que son concurrent KFC, ayant investi un créneau similaire, est justement accusé d'avoir trahi leur confiance. À Villeurbanne, ils sont invités à vérifier l'origine des commandes dans un cahier mis à leur disposition en français et en arabe. Avec ce changement de carte, rapporte notre consœur Carole Bianchi, « "le fast-food a vu son chiffre d'affaires progresser de 30 % et a dû embaucher deux fois plus de personnel en moins de quinze jours, selon le gérant Karim Bouzeenaba » (20 Minutes, 15/12/2009).

Nouveau marché

L'alimentation halal constitue un marché en plein essor, enregistrant régulièrement une croissance supérieure à 10 %. Spécialisé « dans les études marketing ethniques », le cabinet Solis lui attribue un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros en 2009 (dépenses des ménages, sans compter la consommation en restauration hors domicile de type sandwicheries, restaurants, collectivités...). Par comparaison, le "bio" drainerait seulement 2,6 milliards d'euros, selon l'estimation citée par Anne-Hélène Pommier (Le Figaro, 16/12/2009).

« Longtemps limité à des commerces traditionnels », le circuit de distribution de ces produits s'étend aujourd'hui aux grandes et moyennes surfaces, observe Solis, « notamment aux grandes enseignes d'hypermarchés qui présentent des offres de produits halal élaborés pour partie par les plus grands groupes agroalimentaires français ».

Industriels et distributeurs cibleraient les "baby-boomers de la diversité", nés en France et forts d'un pouvoir d'achat supérieur à celui de leurs aînés. Mais ils communiquent encore avec pudeur, préférant généralement promouvoir les "saveurs d'Orient". Si Maggi fait figure d'exception, la plupart commercialisent leurs produits halal sous une marque spécifique. Tel Casino, en pointe avec Wassila, ou Panzani, qui fut le premier à lancer une campagne publicitaire sur les chaines "hertziennes". C'était l'été dernier, à l'occasion du ramadan : « Certains de nos clients se retrouvent dans les personnages de la pub, ça leur fait plaisir, c'est pour eux une preuve d'intégration » se félicitait alors Sébastien Beyhourst, directeur marketing de Zakia Halal (Libération, 26/08/2009).

Entre intégration et assimilation

Preuve que l'intégration n'est en aucun cas synonyme d'assimilation ? L'"islamisation" du pays, volontiers dénoncée, suscite un malaise compréhensible. Observons toutefois qu'elle ne va pas sans paradoxes : s'ils se distinguent de leurs compatriotes par certaines habitudes de consommation, imposées par leur foi, les musulmans peuvent désormais se fournir dans les mêmes boutiques, s'asseoir à la même table... Voire se joindre aux mêmes fêtes : à la veille de Noël, Caroline Taix signalait que « chapons, foie gras et dinde farcie halal [avaient] fait leur apparition dans les rayons des épiceries spécialisées » (Les Échos, 24/12/2009).

2 commentaires pour "Restauration communautaire"

  1. Karen

    Le 15 janvier 2010 à 9 h 50 min

    Cet article est bon. Simple à comprendre, limpide, il mène vers diverses réflexions. J'ai pris plaisir à le lire, à aller jusqu'au bout.

  2. GD

    Le 15 janvier 2010 à 10 h 43 min

    Merci ! 🙂

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