Herman Van Rompuy à Paris
25 janvier 2010
Le président du Conseil européen vient d'ouvrir une grand'messe de la francophonie. Aperçu de son intervention.
Le président du Conseil européen était à Paris aujourd'hui. Nous avons assisté à son discours prononcé en ouverture du 23e colloque international de l'Alliance française. Herman Van Rompuy fut introduit par le président de la fondation, Jean-Pierre de Launoit, qui brossa, non sans complicité, le portrait d'un homme au « regard pétillant et malicieux ». Lequel nous confia qu'il avait appris le français dans la rue ; pour ce Belge issu d'une famille néerlandophone, la langue de Molière fut d'abord celle « du quartier et des terrains de football ».
Évoquant « une époque de mutations profondes », l'ancien Premier ministre belge s'est interrogé sur le rapport à la culture qui en émergerait. Tout en observant la « McDonaldisation » de l'Europe et du monde, il s'est prémuni des « oppositions stériles » – « Google contre Proust », « la Silicon Valley contre Venise », etc. « Avec le mot "Amérique", je risque de toucher un point sensible » avait-il prévenu. La culture du Nouveau Monde lui apparaît « riche à bien des égards ». Il n'en demeure pas moins un promoteur des Humanités.
Revenant sur « la longue histoire de notre continent », le président du Conseil européen a retenu quelques périodes d'unification, auxquelles succédèrent des éclatements : la chrétienté du Moyen Âge, où la même liturgie était célébrée partout en Europe dans la même langue – un symbole parmi d'autres d'« une vraie "standardisation culturelle" » ; la République des Lettres, née d'une Renaissance préparée par la redécouverte d'Aristote par saint Thomas d'Aquin ; l'Empire napoléonien. La présent serait « le résultat de ce double mouvement ». Herman Van Rompuy s'est attaché à décrire « une tension permanente entre l'universel et le particulier » qu'il juge caractéristique de l'héritage européen.
Fustigeant – gentiment – l'utopie de Julien Benda, promoteur d'une langue commune à tout le continent, il a déclaré lui préférer la « sagesse » d'un Denis de Rougemont, qu'il découvrit chez les Jésuites dans les années soixante. « L'Europe ne peut pas fonctionner sur le modèle de l'État-nation », a-t-il observé. D'autant que « les États membres veulent être ensemble ; ils ne veulent pas être un ». Une distinction que les souverainistes jugeront sans doute trop subtile. 😉