Subtilités juridiques autour du Kosovo
29 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
La Cour internationale de justice a estimé conforme au droit international la déclaration d'indépendance du Kosovo. Aux subtilités juridiques de son raisonnement fait écho la désinvolture des déclarations politiques.
Administré par l'ONU depuis 1999, le Kosovo avait proclamé son indépendance le 17 février 2008, lors d'une session extraordinaire de son parlement. À la demande de la Serbie, l'Assemblée générale des Nations unies avait saisi la Cour internationale de justice (CIJ) sur la légalité de cette déclaration. Par dix voix contre quatre, la Cour a conclu, le 22 juillet, que le droit international n'avait pas été violé. Ce faisant, les juges de La Haye ont-ils reconnu l'indépendance du Kosovo ? Pas tout à fait.
Décryptage d'un raisonnement
Il incombait à la Cour, selon ses propres explications, de déterminer « si le droit international applicable interdisait ou non cette déclaration ». Mais elle n'était pas tenue « de prendre parti sur le point de savoir si le droit international conférait au Kosovo un droit positif de déclarer unilatéralement son indépendance, ni, a fortiori, sur le point de savoir si le droit international confère en général à des entités situées à l'intérieur d'un État existant le droit de s'en séparer unilatéralement ». D'ailleurs, c'est en donnant satisfaction à la Serbie que la CIJ aurait étendu la portée du droit international...
La Cour s'est donc bornée à examiner les règles onusiennes susceptibles de s'opposer à la déclaration incriminée. Elle s'est penchée, notamment, sur le principe d'intégrité territoriale, pour conclure que son application était « limitée à la sphère des relations interétatiques ». Passant en revue des déclarations d'indépendance jadis condamnées par l'ONU, elle a jugé que leur "illicité" découlait « non de leur caractère unilatéral », mais du fait qu'elles allaient de pair « avec un recours illicite à la force ou avec d'autres violations graves de normes de droit international général ». À ses yeux, « le caractère exceptionnel des résolutions susmentionnées semble confirmer qu'aucune interdiction générale des déclarations unilatérales d'indépendance ne saurait être déduite de la pratique du Conseil de sécurité ».
S'interrogeant sur sa compétence, la Cour ne devait tenir compte « ni de la nature politique des motifs qui pourraient avoir inspiré la demande, ni des conséquences politiques que pourrait avoir son avis ». On ne reprochera pas aux juges de faire leur travail. Aussitôt l'avis connu, cependant, la France s'est empressée d'appeler les États n'ayant pas reconnu le Kosovo « à ne plus tarder davantage pour le faire ». Son message s'adressait plus particulièrement aux cinq membres de l'Union européenne ayant refusé, jusqu'à maintenant, de lui emboîter le pas : d'une part, l'Espagne, la Roumanie et la Slovaquie, qui craignent d'alimenter des revendications séparatistes ; d'autre part, Chypre et la Grèce, en raison de leur différend avec la Turquie.
Incantations du Quai d'Orsay
« Pensant à la déception probable des Serbes », Bernard Kouchner leur a renouvelé son « amitié personnelle ». Gageons que cette désinvolture n'aura pas été très appréciée à Belgrade, capitale d'un État amputé de son berceau historique. Le ministre serbe des Affaires étrangères, Vuk Jeremic, a jugé « crucial » que ses concitoyens « ne répondent pas aux éventuelles provocations ». « Il est primordial de garder notre calme, de rester persévérants, résolus et unis dans la poursuite de ce combat » qui ne peut être que « pacifique », a-t-il déclaré (Coulisses de Bruxelles, 22/07/2010). Son homologue français appelle à « surmonter de manière pragmatique les problèmes concrets demeurant entre Belgrade et Pristina, dans l'intérêt de tous et d'abord de la communauté serbe du Kosovo ». Pour l'heure, ce ne sont que des mots.