La République fait son bricolage
16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
La réforme des retraites présentée par le gouvernement pare au plus pressé, sans apporter aucune garantie structurelle à long terme. Prisonnière de ses vices, la République préfère entretenir la perfusion de l'État providence.
L'Assemblée nationale poursuit l'examen du projet de loi portant réforme des retraites, dont elle a adopté vendredi la mesure phare, le relèvement de deux ans de l'âge légal de départ à la retraite. « Travailler un peu plus longtemps », c'est, aux yeux du président de la République, « la voie la plus raisonnable, celle que tous les autres pays ont choisie et celle que le gouvernement a retenue car nous vivons plus longtemps : depuis 1950, nous avons gagné quinze ans d'espérance de vie ».
Un coup politicien
Nicolas Sarkozy a donc changé d'avis, comme le rappelait Libération le 26 mai, vidéos à l'appui. La conséquence d'un sens des responsabilités plus affuté que par le passé ? « Le devoir du chef de l'État n'est pas d'ignorer les difficultés ou de laisser à ses successeurs le soin de les régler », a-t-il déclaré le 8 septembre. « C'est au contraire de regarder la situation en face et d'y apporter des réponses durables et justes. » Dans le costume du président, cependant, c'est toujours un politicien qui sévit. Lequel semble bien décidé à se repositionner à droite dans la perspective de 2012 – le "coup" des Roms en témoigne.
Cet animal politique aurait-il, une fois de plus, manœuvré la gauche à sa guise ? En s'attaquant au vestige mitterrandien des "soixante ans", il a « clivé » le paysage politique, selon l'expression d'Henry de Lesquen (Radio Courtoisie, 13/09/2010), suscitant des protestations qui lui assureront peut-être, par réaction, la fidélité de son électorat. Une démarche à l'opposé de celle qui prévalut en Suède, où la recherche d'un consensus avait présidé, des années durant, à la réforme des retraites. Alors que des milliers personnes venaient de défiler dans les rues, le président n'a pas manqué de souligner « le bon fonctionnement » du "service minimum" dans les transports, saluant par ailleurs des organisations syndicales qui « sont dans leur rôle lorsqu'elles appellent à des manifestations ou à des grèves ». La Crise nourrissant la résignation, la partie semble jouée d'avance, suivant des règles dictées par les marchés financiers.
Le poids de la dette
« À l'heure où une pension sur dix est financée par de la dette, nous devons assurer aux Français que leurs retraites et celles de leurs enfants seront payées », a prévenu le chef de l'État. Ce faisant, bien qu'on le dise peu porté sur la "rigueur", il entend vraisemblablement rassurer les investisseurs quant à la capacité de la France à assainir ses finances publiques. Et donc la prémunir d'un renchérissement du coût de la dette, dont le service représente d'ores et déjà une charge écrasante – le deuxième poste budgétaire de l'État !
Aussi le gouvernement se devait-il de parer au plus pressé. Hélas, il s'en est contenté : bien qu'il nous promette le retour à l'équilibre des régimes de retraite en 2018, son projet de loi ne présente aucune garantie structurelle. Jugeant la réforme « injuste et inadaptée », le mouvement d'Action française a d'ailleurs manifesté quelque solidarité à l'égard des protestations syndicales... Versant dans un autre registre – différent mais complémentaire ! –, Alain Madelin a dénoncé « une hérésie sociale et économique », déplorant que soient mélangées fiscalité et retraites (BFM, 07/09/2010). Soucieux de se racheter une apparence de conscience sociale, le gouvernement s'est vanté d'inclure dans son bricolage, entre autres mesures, la hausse d'un point de la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu (41 % au lieu de 40 aujourd'hui) – sans prise en compte dans le calcul du bouclier fiscal, décidément bien fragile. Par ce biais, il maintient les partenaires sociaux sous la tutelle de l'État. Or seule l'implication des bénéficiaires dans la gestion de leurs propres retraites permettrait d'en assurer la pérennité.
Une retraite à la carte
L'ancien ministre de l'Économie prône la retraite par points, un système plus simple et plus équitable – « à cotisations égales, retraites égales » –, mais aussi plus responsabilisant. Le député MPF Dominique Souchet s'en est fait l'avocat devant l'Assemblée nationale, soulignant qu'il permettrait « à chacun de choisir en toute connaissance de cause la date de son départ et le montant de la pension qu'il percevra en fonction de la date retenue » (Le Salon Beige, 08/09/2010). Telle est la possibilité offerte aux Suédois, qui peuvent partir à la retraite entre soixante et un et soixante-sept ans. « Il n'y a pas de durée de cotisation minimale. Les citoyens de ce pays disposent d'un compte virtuel où ils accumulent des points au long de [leur] carrière. Les Suédois reçoivent annuellement une lettre qui leur indique le montant de leur pension. Celui-ci est calculé en fonction de l'espérance de vie, de la croissance économique et du respect de l'équilibre financier du système. Les Suédois peuvent partir avant, mais leur retraite sera alors moins importante. » (Euractiv 07/09/2010)
Un État diététicien
Loin de s'inspirer d'un tel modèle, le président et son gouvernement ont donc choisi d'entretenir la perfusion de l'État providence. Pour preuve, Matignon a délibérément communiqué, le 2 septembre, sur l'extension aux collèges et lycées de l'opération "Un fruit pour la récré". Peut-être cette initiative répond-elle à un enjeu de santé publique, mais elle témoigne de la dispersion de l'action publique et de de l'inclination de la République à prendre chaque citoyen par la main, avec les conséquences que l'ont sait : la fabrication des allumettes ininflammables raillées jadis par Maurras, ou l'ouverture des universités à des bacheliers illettrés.