22 juin 2016
Que les écoles libres servent la République, ou bien qu'elles disparaissent, clame, en substance, le député des Alpes-Maritimes.
La République semble s'incarner sous son pire visage en la personne
d'Éric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes. Appelant manifestement à
une croisade contre l'islam, ce dernier se fait le chantre d'une laïcité
sectaire, comme
nous l'avions déjà signalé, mais aussi l'ennemi des libertés
scolaires, comme
en témoigne sa proposition de loi « visant à renforcer
l'encadrement des établissements privés hors contrat et à limiter les
possibilités de dérogation à l'obligation scolaire
». Déposé le
27 avril, ce texte n'est apparu qu'aujourd'hui, mardi 21 juin
2016, dans le flux RSS de l'Assemblée nationale – il était temps ! Il
a été présenté avec le soutien de plusieurs parlementaires, dont
Bernard Accoyer, Éric Woerth, mais aussi Bernard Debré, généralement mieux
inspiré.
Dans l'exposé des motifs, Éric Ciotti dénonce « l'émergence de
deux phénomènes particulièrement préoccupants : la déscolarisation
d'un nombre croissant d'enfants, surtout des filles, pour des motifs
d'ordre essentiellement religieux d'une part, et la multiplication
d'écoles privées hors contrat prônant un islam radical, d'autre part
».
Loin d'examiner la diversité des situations incriminées, il se garde bien
d'analyser les motivations des parents, se bornant à déplorer que les
enfants soient « alors victimes de propagande idéologique sous
couvert de programmes éducatifs alternatifs
». C'est dire la
considération qu'il porte aux écoles Montessori, par exemple.
Selon son rédacteur, cette proposition de loi aurait pour « premier
objet
» de « durcir les conditions d'ouverture d'un
établissement hors contrat
». Ce faisant, il s'agirait de
« prévenir l'ouverture d'établissements où s'expriment des formes
d'intégrisme religieux
». Les catholiques en marge de l'Église
sont-ils visés eux aussi ? Vraisemblablement : « l'objectif
est d'éviter que les enseignants ne fassent passer le prosélytisme avant
l'éducation des enfants
», explique Éric Ciotti. Par
conséquent, poursuit-il, ce texte « prévoit de renforcer les
contrôles de ces écoles en les étendant à l'existence d'atteinte aux
valeurs de la République
», au premier rang desquelles figureraient
« le respect des institutions
» et « l'égalité
homme-femme
».
« Les écoles doivent demeurer des lieux où se transmettent les
savoirs et non les idéologies
», écrit le député des
Alpes-Maritimes. C'est effectivement ce qui devrait être exigé des écoles
publiques – mais pas des autres. Or, c'est exactement l'inverse que
réclame Éric Ciotti. « Les lieux d'enseignements doivent rester
des sanctuaires préservés de toute influence idéologique ou politique
contraire aux valeurs républicaines
», précise-t-il. Autrement
dit, si elle s'avérait conforme à ses propres valeurs, cette « influence
idéologique ou politique
» apparaîtrait tout à fait légitime
aux yeux d'Éric Ciotti. Au moins les choses sont-elles claires.
Mais les établissements scolaires ne sont pas seuls en cause. Un article
de cette proposition de loi « soumet l'instruction à domicile à
l'autorisation préalable de l'inspecteur d'académie qui ne pourra y
donner droit que dans l'une des hypothèses suivantes : l'exigence
de soins médicaux, situation de handicap en attente de scolarisation
dans un établissement médico-social, activités sportives ou artistiques,
parents itinérants, éloignement géographique d'un établissement
scolaire
». De plus, l'inspecteur d'académie devrait alors
vérifier « que l'enfant ne fait l'objet d'aucune influence
idéologique ou politique contraire aux valeurs de la République
».
Les sympathisants du Front national étant réputés ne pas les partager,
seraient-ils privés de l'exercice de ces quelques libertés résiduelles ?
Peut-être pourrait-on carrément leur retirer leurs
enfants ! Éric Ciotti n'est pas loin de le suggérer. Que de telles
velléités, proprement totalitaires, puissent émaner d'un parti de
gouvernement, voilà qui devrait nous inquiéter bien davantage que le péril
frontiste – quoique ceci ne soit pas sans incidence sur cela. En tout cas,
alors que le pouvoir socialiste planche lui-même sur le sujet, on se
demande s'il se trouvera quelque député pour se soucier des libertés quand
la question sera débattue sur les bancs de l'Assemblée. Affaire à suivre.
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3 mai 2015
L'hystérie sécuritaire aidant, le "fascisme" s'incarne de
façon éclatante parmi les Républicains de l'UMP.
S'exprimant
sur France 3 dimanche dernier,
26 avril 2015, Christian Estrosi, député-maire de Nice, a
fustigé « l'islamo-fascisme » dont les
« cinquièmes colonnes » seraient infiltrées
« dans nos caves, dans nos garages ». La
proposition de loi qu'il a déposée à l'Assemblée nationale,
avec le soutien d'une quarantaine de collègues parlementaires (parmi lesquels figure le souverainiste Jacques Myard), donne
une traduction juridique à ce délire paranoïaque.
« Face à des personnes présentant des
caractéristiques laissant à penser qu'elles pourraient se rendre
coupables d'actes terroristes, mais pour lesquelles aucun commencement
d'exécution ne peut être prouvé, la loi ne permet pas de protéger la
population », déplorent les signataires de ce texte. Aussi
conviendrait-il, selon eux, de créer « un délit de
participation à une entreprise terroriste encouru par ceux qui ont
commis des actes composant un faisceau d'indices concordants pouvant
laisser craindre qu'ils soient susceptibles de passer à
l'acte ». En conséquence, serait passible de de sept
ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende tout
individu inscrit, en vertu d'une simple suspicion, sur le fichier
"Système de prévention des actes terroristes", et qui chercherait, par
ailleurs, à « recueillir des renseignements sur des lieux ou
des personnes », qui voudrait « se former au
maniement des armes ou à toute forme de combat », voire
« au pilotage d'aéronefs ou à la conduite de
navires », ou bien qui consulterait régulièrement des
publications faisant « l'apologie du terrorisme ».
Naturellement, en complément de cette "loi des suspects",
« des dérogations aux règles de droit commun de procédures
pénales » devraient être instaurées « afin de
permettre aux forces de l'ordre d'assurer la sécurité du territoire
national à tout moment, et notamment en cas d'urgence
absolue ». Par exemple, « quand une bombe [...] doit
exploser dans une heure ou dans deux heures », selon
l'hypothèse formulée par Marine Le Pen, dont
l'imagination n'est apparemment pas la seule à se nourrir des aventures
de Jack Bauer et autres fictions télévisées américaines... En tout cas,
des islamistes ou des Républicains de l'UMP, on se demande parfois quels sont
les plus "fascistes". No pasaran !
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23 janvier 2015
Petit "coup de gueule" poussé contre l'hystérie
politico-médiatique qui semble gagner la justice – et cela aux dépens
de la concorde sociale.
Le délit de blasphème « n'est pas dans notre
droit » et « ne le sera jamais », a
déclaré le Premier ministre Manuel Valls. Ces jours-ci,
pourtant, bien des échos médiatiques donnent à croire le contraire.
Trois agents municipaux travaillant à Lille ne sont-ils pas attiré
les foudres de l'édile, par ailleurs cacique socialiste,
après avoir refusé d'assister à la grand messe républicaine organisée
dans la foulée des attentats ? Aggravant son cas, l'un d'entre
eux aurait même justifié son refus de prendre part à cette minute de
silence. Pauvre fou ! En conséquence, peut-être se
retrouvera-t-il bientôt derrière les barreaux. Une trentaine
d'hérétiques ont déjà été condamnés à de la prison ferme, rapportent
nos confrères du Figaro.
« Petit détail à ne pas négliger », précisent-ils,
toutes ces peines « tiennent compte de faits délictuels
annexes ».
Le
Syndicat de la magistrature n'en dénonce pas moins des
procédures « où l'on a examiné et jugé le contexte, à peine
les circonstances des faits, si peu l'homme, poursuivi pour avoir fait
l'apologie du terrorisme. Non pas pour avoir organisé une manifestation
de soutien aux auteurs des attentats, élaboré et diffusé à grande
échelle des argumentaires, pris part à des réseaux, mais pour des
vociférations, lancées sous le coup de l'ivresse ou de
l'emportement : en fait, des formes tristement actualisées de
l'outrage. [...] Comme si la justice pénale, devenue l'exutoire de la
condamnation morale, pouvait faire l'économie d'un discernement plus
que jamais nécessaire en ces temps troublés. »
Prenant ses distances à l'égard du Menhir, alors que celui-ci venait de verser dans des élucubrations
conspirationnistes (dédiabolisation oblige), Wallerand
de Saint-Just, trésorier du FN, a expliqué que Jean-Marie Le
Pen ne comprenait « pas bien la société française actuelle,
très compassionnelle et médiatique ». Peut-être la religiosité
ici à l'œuvre procède-t-elle effectivement d'un respect absolu des
victimes ? Quoi qu'il en soit, l'Inquisition n'entend pas en
rester là. « Loin de tirer les conséquences de ces
condamnations aveugles et démesurées, d'interroger leur effet sur ceux
qui, ainsi labellisés "terroristes", en retirent surtout la certitude
légitime de l'injustice », Christiane Taubira
« surenchérit », déplore le Syndicat de la
magistrature. « Elle annonce sa volonté de modifier le régime
juridique des insultes et de la diffamation, qui pourront également
être poursuivies en comparution immédiate dès lors qu'elles comportent
un caractère raciste, antisémite ou homophobe. »
Dieudonné, quant à lui, est poursuivi pour avoir déclaré sur
Facebook qu'il se sentait « Charlie Coulibaly » – ce
qui pourrait constituer, nous dit-on, une apologie du terrorisme.
Horrifiée, la
marie de Limoges, dirigée par l'UMP Émile-Roger Lombertie a dénoncé
le « nouveau dérapage » d'un
« pseudo-humoriste devenu totalement incontrôlable »
– comme si l'État ne devait accorder des libertés aux individus qu'avec
la l'assurance qu'il en maîtriserait l'usage ! « Une
société qui, par millions, descend dans la rue proclamer son
attachement à la liberté d'expression ne peut, sans se contredire,
emprisonner sur l'heure celui qui profère des mots hostiles à la loi
qui affirme ses valeurs. », prévient, par ailleurs, le
Syndicat de la magistrature. Mais peut-être y a-t-il plus consternant
encore. « On meurt pour des idées, des mots et même pour des
traits de crayons. Alors on peut aller en prison pour des
mots », a
déclaré Nathalie Rocci-Planes, procureur de la République,
lors d'un procès qui s'est tenu dernièrement à Montpellier. Comment ça,
« alors » ? Depuis quand la justice
française était-elle censée s'inspirer de l'application la plus
violente de la charia ? La République
devrait-elle s'ériger en pendant soft de l'État
islamique, selon le représentant du ministère public ? Les
frères kouachi n'en espéraient pas tant !
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