Les féministes contre la « charia »
5 juin 2008
Article publié dans L'Action Française 2000
Une véritable fatwa contre la liberté des femmes, selon Sihem Habchi.
Révélée par les médias le 29 mai, la décision du tribunal de grande instance de Lille rendue le 1er avril, annulant un mariage alors que l'épouse avait menti sur sa virginité, a provoqué un véritable tollé. Sihem Habchi, au nom de l'association Ni putes ni soumises, s'est insurgée contre l'instauration d'« une véritable fatwa contre la liberté des femmes ». Le PS, quant à lui, s'est offusqué d'un jugement « atterrant » qui « bafoue le droit des femmes à disposer de leur corps ». Ils ont beau jeu de dénoncer la soumission de la Justice aux préceptes islamistes, ceux-la même qui sont si prompts à accueillir sur notre sol des immigrés porteurs de valeurs qui nous sont étrangères... À la lecture de l'énoncé du verdict, en tout cas, on nuance leurs réactions.
Héritage manifeste du mariage religieux, la reconnaissance de nullité est une procédure quasiment tombée en désuétude : « elle n'est plus enseignée à la faculté que comme une curiosité », précise Eolas dans son Journal d'un avocat (1). Elle s'appuie sur l'article 180 du Code civil : « Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage. »
« Qualité essentielle »
« Mais la loi se garde de définir ces qualités essentielles, remarque Eolas, et la jurisprudence de la cour de cassation laisse le juge décider si, selon lui, les qualités invoquées sont ou non essentielles. [...] Seules exigences de la jurisprudence : l'erreur doit être objective et déterminante, c'est-à-dire reposer sur un fait et être telle que, sans cette erreur, l'époux ne se serait pas marié. »
De fait, la Justice admet que la virginité d'une femme puisse constituer une « qualité essentielle » aux yeux de son futur mari. Aussi Sihem Habchi s'inquiète-elle d'« un glissement vers l'institutionnalisation du relativisme culturel ». Le jugement n'en reste pas moins « conforme à la jurisprudence classique » selon Philippe Lemaire, procureur de la République de Lille : « c'est le mensonge qui motive la décision du juge » (Le Monde, 29/05/2008).
Ni pute ni soumise réclame que « les législateurs rétablissent cette faille de la loi ». En admettant que ses valeurs soient effectivement partagées par la République, celle-ci se retrouvera confrontée à un dilemme insoluble : comment pourrait-elle garantir le libre consentement des époux tout en en restreignant les motifs légaux ? Pour l'heure, c'est la femme dont on déplore la "répudiation" qui fait les frais de ces polémiques. Selon son avocat, Me Charles-Édouard Mauger, cité par l'AFP, elle aurait été « traumatisée » par la médiatisation de l'affaire, et depuis l'appel du procureur de la République de Lille, « elle va très, très, très mal ». En définitive, le sort de la malheureuse, ainsi que la crainte – à bien des égards légitime – d'une "islamisation" de la France sont en partie instrumentalisés au service d'un certain féminisme. C'est une réponse bien insuffisante aux outrances inspirées par l'islam : on n'imposera pas le respect dû aux femmes par de vulgaires revendications libertaires.
(1) http://www.maitre-eolas.fr/