Quels changements au Parlement européen ?

4 juin 2009
Article publié dans L'Action Française 2000

Un nouveau groupe eurosceptique va se former à Strasbourg. Le Parlement européen n'en restera pas moins une "assemblée de consensus", dont les partis majoritaires continueront de se partager la présidence...

Quelle que soit l'issue des élections, quelques changements sont déjà annoncés à Strasbourg et Bruxelles. L'euroscepticisme devrait bénéficier d'une visibilité inédite. À la fin de la législature 1999-2004, les conservateurs britanniques avaient obtenu un "droit de tendance" au sein de leur groupe, qui les autorisait à se désolidariser de leurs collègues plus fédéralistes dans les discussions portant sur l'avenir institutionnel de l'Union. Désormais, les Tories sont résolus à quitter le PPE-DE, où siègent notamment les députés UMP ; suivis par les Tchèques de l'ODS, ils devraient former avec eux le "noyau dur" d'un nouveau groupe politique.

Arrangement technique

Seront-il rejoints par des souverainistes plus marginalisés ? En tout cas, les "petits partis" souffriront d'une réforme du règlement intérieur de l'assemblée adoptée en juillet dernier : pour constituer un groupe, il faudra réunir au moins vingt-cinq députés issus de sept États membres, contre vingt issus de six pays aujourd'hui.

Le Parlement européen demeurera gouverné par le "consensus" des formations majoritaires, qui en partagent la présidence en vertu d'un "arrangement technique". Rappelons ce chiffres agité au cours la campagne, du NPA jusqu'au Front national : lors des 535 votes finaux par appel nominal intervenus en 2008, droite et gauche se seraient exprimées à l'unisson dans 97 % des cas. « Un score digne de la Douma de l'ex-Union soviétique » commente L'Observatoire de l'Europe ! Prenant en compte le vote des amendements, Jean Quatremer dessine une réalité plus complexe : « Le PPE et le PSE ne votent au final ensemble que dans 69,70 % des cas (mais seulement 56  % dans les affaires sociales et 52,5 % dans le domaine économique). Les villiéristes votent avec les socialistes dans 40 % des cas alors que les communistes votent avec le PPE dans 42 % des cas et avec les villiéristes dans 40,90 % des cas... » (1)

Apolitisme ?

Des subtilités qui ne sauraient gommer une caractéristique essentielle du Parlement européen, « condamné à gouverner au centre » selon Paul Magnette (2). Aucune majorité suffisante ne se dégage dans cette assemblée façonnée par la diversité des paysages politiques nationaux. La fréquence des votes techniques et les incursions limitées de l'Union dans les politiques de redistribution sociale tempèrent la prégnance du clivage gauche-droite, mêlé aux divergences nationales et institutionnelles.

Négociation

L'obtention du consensus serait même facilitée par l'examen préalable des textes dans les groupes politiques, où ils font déjà l'objet d'un compromis. À la différence des partis nationaux, maîtres des investitures, les groupes européens n'ont pas les moyens d'exercer une forte pression sur leurs membres. Les consignes de vote sont donc le fruit d'une négociation, dont les députés seraient enclins à respecter les conclusions dans la mesure où ils y participent.

L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne changerait-elle la donne ? L'accroissement des pouvoirs du Parlement européen donnerait au "réflexe majoritaire" de nouvelles occasions de s'exprimer. C'est en tout cas l'espoir des européistes, ravis de combler un "déficit démocratique" au détriment des exécutifs. D'autres institutions, telles la Commission et la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), ont au moins le mérite de veiller au respect réciproque des engagements souscrits par les États. Or, aux yeux des gouvernements, que peut représenter un rassemblement international de parlementaires, sinon un pouvoir de nuisance ?

Nouveau statut

Le traité modificatif affecte le statut des députés, qui ne seraient plus censés représenter les « peuples des États réunis dans la Communauté », mais les « citoyens de l'Union ». Corolaire symbolique des nouvelles modalités d'indemnisation appliquées dès juillet, conformément à une décision remontant à septembre 2005. « Jusqu'à présent, chaque eurodéputé était rémunéré par son assemblée ou son gouvernement en fonction du salaire des députés nationaux », explique Célia Sampol (3). « D'où les grandes diversités existant entre un Bulgare qui gagnait à peine plus de 9 000 euros par an, pendant qu'un Italien touchait 134 000 euros annuels. Le nouveau statut met un terme à ces disparités et prévoit un salaire mensuel égal pour tous de 7 412,69 euros avant impôts, soit 5 607,24 euros nets. Ce qui correspond à 38,5 % du traitement de base d'un juge de la Cour de Justice européenne. Le financement des rémunérations sera assuré par le budget de l'UE et non plus par les budgets nationaux. »

Imbroglio

Les députés réélus cette année pourront conserver définitivement leur indemnité nationale s'ils le souhaitent, de façon à ne pas perdre au change... Quant aux États, ils pourront imposer le statu quo à leurs élus pendant deux ans, craignant peut-être un décalage avec la moyenne des rémunérations nationales.

Organisées sous l'égide du traité de Nice, les élections européennes désigneront cette année 736 députés, Un nombre qui serait porté à 750 plus le président avec l'application de Lisbonne... et même 754 dans une phase transitoire. Les sièges réservés aux Allemands étant réduits de 99 à 96, il serait paraît-il délicat de renvoyer au pays les trois élus en surnombre. Mais il faudra également désigner dix-huit nouveaux députés, dont deux pour la France. On ignore encore par quel "micmac institutionnel" sera résolu cet imbroglio juridique.

(1) Jean Quatremer : « Parlement européen : des alliances politiques surprenantes » Coulisses de Bruxelles, 22 mai 2008. (D'après les statistiques de votewatch.eu)

(2) Paul Magnette : Le Régime politique de l'Union européenne. Presses de Sciences Po, 310 pages, sept.2006, 15 euros.

(3) Europolitique, supplément au n° 3749, 8 mai 2009.

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