Un semestre suédois

2 juillet 2009
Article publié dans L'Action Française 2000

Le 1er juillet, la Suède a succédé à la République tchèque à la tête de l'Union européenne, dont elle présidera le Conseil pendant six mois. Aperçu des priorités affichées dans son programme de travail.

Maintenue à l'écart du second conflit mondial, attachée à sa neutralité, accaparée par l'édification d'un État-providence, la Suède est demeurée en marge des Communautés européennes jusqu'en 1995. La perspective d'une adhésion s'est dessinée dans les années quatre-vingt : « Dans le débat public, on s'est mis à envisager les conséquences de l'intégration comme une perte de souveraineté formelle, mais un gain de souveraineté réelle. » (1) Le traité arrimant le royaume à l'UE fut adopté par référendum à la faveur de 52 % des voix. Depuis lors, l'Europe continua de diviser les partis et l'opinion, jusqu'à l'échec de la consultation censée autoriser en 2003 l'introduction de la monnaie unique  (56 % de "non").

Révolution dans la Défense

Façonné par la social-démocratie, le pays est dirigé aujourd'hui par un conservateur, le ministre d'État Fredrik Reinfeldt âgé de quarante-trois ans, dont la politique pourrait rompre avec le non-alignement. La doctrine de défense suédoise se trouve en effet « à la veille d'une révolution » (2). Le Riksdag vient de voter la "mise en sommeil" de la conscription par 153 voix contre 150. D'ici 2014, une armée de métier de 50 000 hommes devrait voir le jour. Or, « même si l'objectif n'est pas affirmé aussi nettement, cette transformation se fait dans un objectif d'adhésion à terme de la Suède à l'OTAN » selon  Nicolas Gros-Verheyde. Pour l'heure, « la Suède a une politique stratégique sur l'ensemble de la Baltique » observe le ministre de la Défense Sten Tolgfors. « La Suède est en train de négocier avec l'OTAN, la Norvège et la Finlande. [...] L'objectif est d'avoir une coopération nordique de surveillance de l'espace aérien, qui puisse aussi inclure les États baltes. »

Cela éclaire le programme de travail de la présidence suédoise de l'Union européenne, qui promeut le renforcement de l'engagement vis-à-vis de l'Afghanistan et du Pakistan, l'institution d'un partenariat privilégié autour de la mer Baltique, la poursuite de l'élargissement : en Croatie, dans les Balkans occidentaux, mais aussi en Turquie.

Suspicion

Le président de la République acceptera-t-il que de nouveaux chapitres de négociation soient ouverts avec Ankara, bien qu'il prétende réprouver son adhésion ? Les suspicions de duplicité sont alimentées par la nomination de Pierre Lellouche comme secrétaire d'État chargé des Affaires européennes. Ce dernier serait l'un des « très bons amis » de son homologue turc, Egemen Bagis, qui confie aux journalistes : « Je crois qu'il va influencer les autres membres du gouvernement, qu'il va les convaincre des avantages de l'adhésion de la Turquie et qu'ainsi le bon sens va prévaloir à la fin. Pierre peut être un bon catalyseur. » (3) Affaire à suivre.

Immigration

Investie également dans la justice et les affaires intérieures (JAI), la présidence suédoise voudrait inclure, entre autres volets du futur "programme de Stockholm", « des mesures permettant une immigration accrue de main d'œuvre dans les pays de l'UE ». Ses priorités demeurent toutefois l'économie, l'emploi et le climat. La Suède entend « rétablir l'ordre dans les finances publiques » et accroître la mobilité des travailleurs. Il lui incombera de préparer la Convention de Copenhague, où seront souscrits en décembre des engagements internationaux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre après 2012, dans la continuité du protocole de Kyoto.

Autant d'objectifs à poursuivre dans un contexte institutionnel en mutation, marqué par le renouvellement de la Commission européenne et la perspective du second référendum irlandais sur le traité de Lisbonne...

(1) Gôran von Sydow ; Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin.

(2) Nicolas Gros-Verheyde ; blog Bruxelles 2, 25 juin 2009.

(3) Propos rapportés par Jean Quatremer ; blog Coulisses de Bruxelles, 25 juin 2009.

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