Les nonistes dans l'impasse démocratique

15 octobre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand les opposants au traité de Lisbonne se mordent le queue, par la faute d'une sacro-sainte démocratie qu'ils veulent s'imaginer bafouée.

Moult nonistes contestent la légitimité du référendum autorisant la ratification du traité de Lisbonne par l'Irlande ; la démocratie n'a-t-elle pas été bafouée ? Qu'importent les 67 % de suffrages exprimés en faveur du "oui" : organiser une seconde consultation, c'était mépriser la "volonté du peuple", dont certains s'imaginent qu'elle s'exprime dans le décompte d'opinions aléatoires. Entorse à leurs principes, ces rhéteurs semblent refuser au peuple le droit de changer d'avis !

À juste titre, ils observent qu'on se gardera de le consulter à nouveau après lui avoir arraché son accord. L'hypocrisie est certes inhérente à l'entretien du mythe démocratique. Soulignons néanmoins qu'un "oui" ne saurait être traité comme un  "non" dès lors qu'un contrat est en jeu – ici un accord liant vingt-sept États. Me Eolas l'illustre sur son blog avec un exemple concret : l'installation d'un ordinateur requiert l'acceptation du contrat d'utilisation. « Si vous refusez, votre ordinateur ne marchera pas. Mais vous aurez la satisfaction d'être libre face à votre écran noir. » Après avoir cliqué "oui", il fonctionnera, mais « ne vous demandera plus à chaque allumage si vous acceptez les conditions contractuelles. Inutile : vous les avez acceptées et êtes lié par elles. » Cela relève, somme toute, du bons sens.

Contestable en théorie, l'invocation de la démocratie se retourne naturellement contre les souverainistes. Défendant son principe, ceux-ci s'opposent à des contradicteurs qui, loin de le rejeter, semblent l'encenser avec d'autant plus de ferveur qu'ils entendent l'appliquer dans un cadre supranational dont il était jusqu'alors exclu. Or, l'influence des gouvernements s'étiolera à mesure que sera comblé le "déficit démocratique" affublant l'Union européenne.

À quelques jours du référendum, Pierre Lellouche évoqua « le sort institutionnel de 500 millions d'Européens »  placé « entre les mains de 3 ou 4 millions d'Irlandais ». Un scandale démocratique ! Déjà illusoire dans un cadre national, la pratique de la démocratie l'est plus encore au niveau européen. Mais se risquer à l'expliquer, n'est-ce pas commencer à écorcher son mythe ? Cela réclamerait, quoi qu'il en soit, une attention du public bien difficile à capter. En cas de victoire du "non", la démocratie aurait fourni un prétexte idéal aux européistes soucieux de passer outre la décision d'un État souverain... Entre souveraineté et démocratie, le choix apparaît inévitable.

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