La torture en spectacle
19 novembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
La saison 7 de 24 Heures chrono met en scène le débat sur la torture. La série en dit long sur le fossé qui nous sépare des mentalités américaines.
La septième saison de 24 Heures chrono est disponible en DVD depuis le 4 novembre. Référence en matière de thriller, cette série met en scène Jack Bauer, un agent fédéral aux méthodes musclées, prêt à perdre son âme pour déjouer les complots terroristes fomentés contre les États-Unis. Tournée plus ou moins à la façon d'un reportage, elle prétend rapporter ses péripéties en temps réel, les vingt-quatre épisodes d'une saison correspondant aux vingt-quatre heures d'une journée riche en rebondissements.
Polémiques
Dans un pays marqué par le traumatisme du 11 Septembre, pointé du doigt après la proclamation du Patriot Act, Twenty four s'est livré, avec une outrance croissante, à une véritable apologie de la torture... pour la plus grande satisfaction du public. Cela n'a pas manqué de susciter des polémiques outre-Atlantique, voire « un certain malaise » selon le Courrier International du 14 février 2007 : « Pour preuve, "un groupe inhabituel formé de militants des droits de l'homme, du doyen de l'académie militaire américaine de West Point et des interrogateurs vétérans de Saigon ou d'Abou Ghraib s'est réuni autour d'une table à la mi-novembre 2006." [...] En venant à la rencontre des créateurs de la série, ces visiteurs n'avaient qu'un souhait : "Que les scènes de torture soient plus authentiques. Cela ne veut pas dire plus sanglantes ou plus sauvages." Au contraire, ils veulent qu'elles soient plus réalistes, moins expéditives. Ce qui fait dire au Los Angeles Times que "24 Heures chrono prend une leçon de torture de la part d'experts". The Independant n'en revient pas lui non plus. "L'armée américaine a fait appel aux producteurs [...] pour modérer les scènes de torture à cause de l'impact qu'elles ont à la fois sur les troupes sur le terrain et sur la réputation de l'Amérique à l'étranger. »
Jack Bauer, héros damné
Loin de se repentir, les producteurs du "Jour 7" ont pris le parti culotté de mettre en scène le débat. Le premier épisode s'ouvre sur le procès orchestré par un sénateur contre Jack Bauer, appelé à répondre à Washington de crimes qu'il assume apparemment sans scrupule. Son audition est interrompue à la demande du FBI, qui requiert son aide pour résoudre une enquête. Travaillant à ses côtés pendant vingt-quatre heures, l'agent Renée Walker se laisse convaincre du bien fondé de ses méthodes. Avec toutefois quelques réticences, si bien que sa sensibilité contribue à "réhumaniser" le héros damné.
En guise de prologue, le téléfilm Redemption (disponible séparément) fustige l'impuissance – voire la lâcheté – des Nations Unies, ainsi qu'un certain isolationnisme américain, lui préférant manifestement l'ingérence humanitaire. Au fil des épisodes, on relève une mise en garde contre le développement des armées privées – largement utilisées en Irak – et le "retour à la foi" de Jack sous l'influence d'un imam qu'il avait accusé à tort de protéger un terroriste. Bien évidemment, la part belle est réservée au patriotisme ainsi qu'au sens du devoir. Cela ne va pas sans déchirement dans la famille du président – une femme...
Le suspens étant au rendez-vous les amateurs du genre seront comblés. Tous nos lecteurs n'en sont pas, mais ils mesureront à travers ces quelques lignes le fossé qui nous sépare des mentalités américaines.
24 Heures chrono, saison 7 ; coffret six DVD, 24 x 41 minutes environ, format 1.78, VF et VO en 5.1, Fox-FPE, 39,99 euros.