Gallica face à Google

21 janvier 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

La Bibliothèque nationale de France doit-elle collaborer avec Google ? Aperçu des conclusions de la mission Teissier.

La commission sur la numérisation des fonds patrimoniaux des bibliothèques a remis son rapport le 12 janvier. Présidée par Marc Teissier, elle était censée évaluer « la pertinence d'un accord entre la BNF et Google du triple point de vue du partage et du rayonnement des contenus français sur Internet, de l'intérêt économique et financier pour l'État et le contribuable, du message politique à adresser à la communauté internationale ». Une question devenue en partie caduque depuis l'annonce par le président de la République, dans les priorités du "Grand emprunt", d'une enveloppe spécifique pour la numérisation du patrimoine culturel (750 millions d'euros). La mission se félicite d'un changement « considérable » permettant « d'envisager une politique de numérisation [...] à la fois ambitieuse et autonome ».

Le géant américain de l'internet s'est lancé en 2004 dans un projet visant à numériser 15 millions d'ouvrages en dix ans. Le rapport fustige les clauses souscrites par les bibliothèques partenaires, parmi lesquelles figure la bibliothèque municipale de Lyon : « Les accords passés par Google prévoient toujours que les autres moteurs de recherche ne pourront pas accéder aux fichiers numérisés par lui pour les indexer et les référencer. [...] Cela revient [...] à permettre à un acteur [...] de renforcer cette position dominante. [...] La durée des clauses d'exclusivité est également excessive : des durées de plus de vingt ans [...] peuvent aller à l'encontre de la mission d'accès impartie aux bibliothèques. » Cependant, toute forme de partenariat ne serait pas à exclure : « Un accord avec Google [...] pourrait viser, non pas à faire prendre en charge l'effort de numérisation mais à le partager, en échangeant des fichiers de qualité équivalente et de formats compatibles. »

Deux objectifs généraux sont définis : d'une part, « éviter le risque d'une segmentation du patrimoine, en se donnant l'ambition d'une numérisation exhaustive, ou en tout cas la plus large possible  » ; d'autre part, réaffirmer « la place du patrimoine français écrit sur l'internet », qui « est aujourd'hui principalement visible via Google Livres, grâce aux fonds francophones numérisés des bibliothèques étrangères, qui ne sont pas complets ».

La bibliothèque numérique Gallica, développée jusqu'à maintenant par la BNF, serait l'instrument naturel de cette politique. Forte d'une autonomie renforcée, elle pourrait réunir « les bibliothèques publiques patrimoniales et les éditeurs, dans une logique de partenariat public-privé » et proposer un accès « à tout le patrimoine écrit, via une plate-forme coopérative respectueuse des droits des différents partenaires, les conditions d'accès étant adaptées au statut de chaque œuvre ».

Le rapport promeut « la relance d'une impulsion européenne, tant en direction des autres bibliothèques européennes que du portail Europeana ». En revanche, ses auteurs  ne semblent pas avoir examiné l'opportunité d'une coopération dans le cadre de la francophonie.

Leurs conclusions ont été accueillies avec bienveillance par le ministre de la Culture, tout disposé à "rebooster" Gallica. Lequel gagnerait d'abord à être mieux connu. Comme le souligne la mission, « les efforts de numérisation doivent s'accompagner d'une volonté de conquête de visibilité sur le web ».

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