Madrid partage la barre

7 janvier 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Espagne assure pour six mois la présidence du Conseil de l'UE. Ses dirigeants devront cohabiter avec de nouveaux responsables européens... Rappels historiques et résumé des priorités affichées par Madrid.

Depuis le 1er janvier, l'Espagne assure la présidence du Conseil de l'Union européenne. C'est la quatrième fois que cette responsabilité lui incombe depuis son entrée dans la Communauté européenne en 1986. Madrid avait frappé à sa porte dès les années soixante, obtenant seulement qu'elle lui soit entrouverte, avec la souscription d'un accord préférentiel en 1970. Formalisée en 1977, moins de deux ans après le décès du général Franco, sa demande d'adhésion avait été accueillie avec réticence par la France...

Un pays europhile

Elle suscitait en revanche un consensus national. L'adhésion fut approuvée à l'unanimité par le parlement. « L'appui de l'Espagne au processus d'intégration européenne a toujours été supérieur à la moyenne européenne », constate Lorenzo Delgado Gomez-Escalonilla. « L'entrée dans l'Europe n'est pas associée à la perte de la souveraineté ou de l'identité nationale comme cela se produit dans d'autres États. » (Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin)

En vingt ans, bénéficiant largement des fonds structurels européens, l'économie espagnole s'est radicalement transformée. Cela n'est pas allé sans douleur, mais le "revenu par tête" est passé de 8 000 euros annuels en 1985 à 23 000 euros en 2005. Il y a quatre ans, le traité établissant une constitution pour l'Europe ayant fait l'objet d'un référendum, le "oui" l'avait emporté à la faveur de 77 % des voix.

Animant pendant six mois les travaux des ministres européens (à l'exception de ceux touchant aux affaires étrangères, désormais coordonnés par le Haut Représentant), l'Espagne revendique quatre priorités : « application fidèle et résolue du nouveau traité ; une plus grande coordination des politiques économiques afin de garantir la relance économique et d'asseoir les bases d'une croissance européenne durable ; renforcement de l'Union en tant qu'acteur politique décisif dans la mondialisation ; veiller constamment aux intérêts des citoyens européens et au respect de leurs droits dans toutes les nouvelles initiatives ».

« Nous voulons que le président Van Rompuy et la Haute Représentante [sic] Ashton puissent, dès le début, exercer pleinement leurs fonctions », assure José Luis Rodríguez Zapatero. Sa fidélité à l'"esprit de Lisbonne" est pourtant mise en doute. Le chef du gouvernement espagnol parviendra-t-il à se faire une place aux côtés du président du Conseil européen ? En pleine période de transition institutionnelle, on guettera les incidents. Mais, de part et d'autre, on se satisfera vraisemblablement de quelques arrangements. Dorénavant, par exemple, un délégué du Haut Représentant est censé présider le COPS (Comité politique et de sécurité) ; aussi Mme Ashton a-t-elle assigné cette mission à l'ambassadeur espagnol, tout simplement (Bruxelles 2, 19/12/2009).

L'Espagne devrait porter un intérêt tout particulier au Parlement européen. Elle y sera plus souvent confrontée que ses prédécesseurs en raison des pouvoirs accrus de l'assemblée. En outre, elle s'attachera à faire adopter aussi vite que possible le protocole permettant de réviser sa composition sans attendre les prochaines élections européennes. Parmi les douze États bénéficiant de sièges supplémentaires, elle est en effet celui qui en gagne le plus (quatre députés).

Questions pour un champion

Naturellement, il appartiendra à Madrid d'accompagner la mise en œuvre du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE). Catherine Ashton voudrait en faire « un vrai service, pour mener la diplomatie de l'Union [...] avec les moyens budgétaires nécessaires, non pas pour remplacer la diplomatie des États membres mais pour [s'] y ajouter » (Bruxelles 2, 16/12/2009). « Je pense que nous pouvons obtenir beaucoup de la "diplomatie tranquille" », a-t-elle déclaré. Affichant un optimisme bien naïf, elle espère « réunir les représentants les plus talentueux de tous les États membres de l'UE » (Le Figaro, 18/12/2009).

À moins qu'une grève des fonctionnaires européens ne perturbe le calendrier, le Parlement entamera lundi prochain, 11 janvier, les auditions des nouveaux membres de la Commission. Mme Ashton sera la première soumise à ce "grand oral" minuté à la seconde près, où les questions s'enchaîneront pendant trois heures à un rythme infernal (Bruxelles 2, 17/12/2009). Curieuse façon d'évaluer des compétences sur un sujet aussi complexe que les relations internationales.

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