Enrayer le déclin industriel

4 février 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Les États généraux de l'Industrie confirment le déclin du secteur manufacturier : la France perd du terrain, tout particulièrement face à l'Allemagne. Aperçu des forces et faiblesses de l'industrie nationale.

Lancés le 2 novembre 2009, les États généraux de l'Industrie ont achevé la première phase de leurs travaux. Synthétisés dans un rapport remis le mois dernier au ministre Christian Estrosi, ceux-ci soulignent, sans surprise, le déclin du secteur manufacturier. S'il représente encore 16 % de la valeur ajoutée créée en France, son poids dans l'économie nationale apparaît moindre que dans la zone euro, où la moyenne s'établit à 22,4 %. Bien que 500 000 emplois industriels aient été perdus depuis 2000, des difficultés de recrutement persistent, notamment dans l'électricité et l'électronique, la mécanique et les travaux des métaux.

Déficit commercial

La France demeure le cinquième exportateur mondial, mais ses parts de marché sont en recul depuis une quinzaine d'années, passant de 5,8 % en 1995 à 3,8 % en 2008. « Ce phénomène s'explique en partie par la montée en puissance de nouveaux compétiteurs comme la Chine et une tendance de certains acteurs à délocaliser », commentent les rapporteurs. En partie seulement. Représentant un montant équivalent à 56 % des exportations allemandes en 2000, les exportations françaises de produits manufacturés étaient réduites à 37 % huit ans plus tard. La balance commerciale se dégrade : depuis 2007, les performances de l'agroalimentaire et des biens d'équipement ne compensent plus le déficit des autres secteurs.

L'industrie française s'appuie sur un tissu d'entreprises de taille intermédiaire (entre 250 et 5 000 salariés) insuffisamment développé. Elle dégage des marges plus faibles que celle des principaux pays de l'Union européenne, à l'exception du Royaume-Uni ; la rentabilité et l'accès aux financements s'en trouvent naturellement affectés.

R&D à la traîne

L' effort consenti en recherche et développement (R&D) plafonnait en 2006 à 1,9 % du PIB national. « La France se situe bien en-deçà de l'Allemagne qui y consacre 2,4 % de son PIB. » Elle se distingue « par un niveau important de dépenses R&D publiques, l'un des plus importants de l'OCDE rapporté au PIB, et à l'inverse par un faible niveau de dépenses R&D privées ». Aucune société française ne figure parmi les cinquante entreprises mondiales les plus innovantes identifiées par BusinessWeek-BCG. En conséquence, « le niveau de prise de responsabilités de la France dans les travaux de normalisation internationale a régressé depuis dix ans, pour se situer aujourd'hui à la moitié de [celui] de l'Allemagne ».

Ce sombre tableau présente quelques nuances. Disposant d'infrastructures de qualité, le territoire national attire des investissements directs étrangers jugés, dans l'ensemble, importants et créateurs d'emplois. « Ce flux a mieux résisté en France que dans le reste de l'Europe en 2009 puisqu'il n'a baissé que de 27 % contre 45 % sur l'ensemble de l'Europe. » De grandes entreprises françaises bénéficient d'un rayonnement mondial et d'un savoir-faire reconnu. Tout particulièrement les industries de santé, « porteuses d'une très forte valeur ajoutée économique et sociale ». Enfin, « par ses positions fortes dans les industries de la chimie, de l'énergie, de l'électronique et de la mécanique », la France pourrait « prendre une position de leader européen, voire mondial, dans la réponse au défi du développement durable ».

Au crédit des pouvoirs publics, les rapporteurs mentionnent, entre autres, l'institution du  crédit impôt recherche, qui aurait « un effet positif sur l'accroissement de l'effort de recherche des entreprises ». Autre « mesure phare » : « la mise en place des pôles de compétitivité qui ont permis en quatre ans de mettre en œuvre pour plus de 4 milliards d'euros de projets collaboratifs financés à 30 % par l'État et les collectivités territoriales, le reste par les entreprises. L'existence des pôles constitue aussi et peut-être surtout un levier important d'amélioration de la qualité d'un dialogue entre la recherche publique et la recherche privée dont la faiblesse est largement identifiée comme un problème crucial de l'innovation en France. »

Biens et services ne sont plus séparables

D'aucuns pariaient sur la "sanctuarisation" de certains domaines d'activité, voire une "spécialisation internationale" reposant sur la dichotomie produits-services. Or, soulignent les rapporteurs, « l'imbrication des produits et équipements industriels et des services associés de mise en œuvre, d'installation, d'exploitation et de maintenance, font que désormais c'est souvent une fonction, voire un service, assurés dans le temps, qui sont vendus, plus qu'un objet manufacturé ». À leurs yeux, « l'idée d'une économie fondée sur l'amont et l'aval de la production apparaît désormais comme un non-sens : la R&D est aussi délocalisable, les services le sont aussi (voir l'essor des services informatiques en Inde, la délocalisation des call-centers) ».

Leurs considérations demeurent très générales. Ils réclament, par exemple, « une promotion soutenue du "made in France" », sans s'aventurer à en préciser les modalités – soumises aux règles du marché unique européen. Entrés dans leur seconde phase, les États généraux de l'Industrie travaillent maintenant à la « définition des propositions d'actions », dont la mise en œuvre nécessitera « la mobilisation et l'engagement de tous les acteurs autour de l'objectif de la reconquête industrielle ».

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