Feu sur Catherine Ashton

4 février 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'UE s'est montrée bien timide dans la coordination des États membres venus au secours d'Haïti. Cela nourrit de nouvelles critiques formulées à l'encontre de Catherine Ashton, Haut Représentant pour les Affaires étrangères.

Deux semaines après le terrible séisme survenu en Haïti, les ministres européens sont enfin convenus, le 25 janvier, de créer une cellule de coordination « pour échanger les informations sur les moyens civils et militaires » apportés par les États membres.

Aucun bilan chiffré

« Encore une fois, déplore Jean Quatremer, les Européens ont agi en ordre dispersé alors qu'ils sont les principaux contributeurs : 400 millions d'euros, environ, contre 100 millions de dollars dévalués pour les Américains. » (Coulisses de Bruxelles, 19/01/2010) Le 22 janvier, Nicolas Gros-Verheyde estimait à 2 000 le nombre d'Européens engagés au titre de la protection civile, dont 1 300 Français. Des chiffres que l'UE s'est montrée incapable de lui fournir : « Pour trouver de l'information, il fallait la chercher ailleurs dans les capitales, voire auprès de l'US Army. » (Bruxelles 2, 28/01/2010) Un comble !

Peut-être les flottements consécutifs à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne expliquent-ils en partie ces déboires. À moins que cette inertie soit inhérente au fonctionnement de la machine administrative européenne. Gouverné par le consensus, cet empire normatif n'apprécie pas d'être bousculé. « Le mode de décision européen est trop lent pour s'adapter à une crise soudaine », observait Jean-Pierre Jouyet au lendemain de la présidence française de l'UE, tandis qu'il accusait la Commission d'avoir « mal analysé » la nature de la crise financière (Une présidence de crises, Albin Michel).

Fallait-il se rendre sur place ?

Tandis qu'on ressort des tiroirs un rapport de 2006, où Michel Barnier proposait la création d'une force européenne de protection civile, les critiques redoublent à l'encontre de Catherine Ashton, le Haut Représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. Moult commentateurs ont regretté qu'elle ne se soit pas rendue sur place, alors qu'Hillary Clinton se trouvait à Port-au-Prince le 16 janvier. « On aurait pu imaginer que le drapeau européen soit visible plus rapidement », affirme Pierre Lellouche, le secrétaire d'État en charge des Affaires européennes (Euractiv, 27/01/2010). Les européistes se bercent d'illusions : aux côtés du secrétaire d'État américain, en effet, le Haut Représentant n'aurait pas accaparé l'attention des médias. Pour avoir assisté, la semaine dernière, à une allocution du président du Conseil européen Herman Van Rompuy prononcée à Paris, nous pouvons témoigner de la relative indifférence suscitée par le déplacement d'une telle personnalité.

Mme Ashton a tenté de se justifier : « Je n'avais rien à fournir sur le terrain sinon prendre un espace précieux alors que les avions étaient incapables d'atterrir à cause de l'état de l'aéroport. Je ne suis pas un médecin, ni un pompier. Ma place était de réunir une coordination au niveau de l'UE et des Nations Unies. » (Bruxelles 2, 20/01/2010)

Diplomatie européenne sans finesse

Nicolas Gros-Verheyde lui reconnaît le mérite de ne pas avoir versé dans la "politique spectacle" : « Sa place était davantage à Bruxelles », estime-t-il, « pour organiser, coordonner l'action au niveau politique. Ce qu'elle a fait en convoquant (un peu tard) un conseil des ministres extraordinaire » (Bruxelles 2, 25/01/2010). À l'opposé, Jean Quatremer a publié un article assassin : « Elle a manifestement décidé d'interpréter a minima ses nouvelles fonctions, à la fois par flemme et par désintérêt pour un poste qu'elle n'a jamais demandé. [...] Annonçant, lundi, les chiffres de l'aide européenne, Ashton a été tellement confuse que Miguel Angel Moratinos, le chef de la diplomatie espagnole dont le pays assure la présidence tournante de l'Union, s'est fait un plaisir de la reprendre pour expliquer clairement la situation. Et en trois langues, alors qu'Ashton est incapable de parler autre chose que l'anglais. » (Coulisses de Bruxelles, 26/01/2010)

Sa désaffection pour la langue de Molière inquiète Jean-Pierre Raffarin. Dans ces conditions, admet l'ancien Premier ministre, on peut « douter du degré de sensibilité et de finesse de la prochaine diplomatie européenne ». Quant aux souverainistes, ils se réjouiront peut-être de ces déboires, qui sont autant de freins au développement du Service européen pour l'Action extérieure menaçant, à leurs yeux, la diplomatie française.

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