Le mythe des 80 %

9 février 2010

C'est bien connu : 80 % des lois votées par le Parlement français seraient d'origine communautaire. Cité par tout un chacun, ce pourcentage a pénétré les esprits sans avoir jamais fait l'objet d'une démonstration. C'est donc un « mythe » que la fondation Terra Nova entend démonter dans une étude rendue publique le 5 février.

Ses auteurs, Matthias Fekl et Thomas Platt, ont scruté la législation française promulguée entre 1998 et 2008. Aussi n'ont-ils pris en compte « que les actes [européens] nécessitant une adaptation au niveau national, et non ceux qui se substituent purement et simplement à l'action du législateur ». « L'exercice de quantification est difficile et risqué », affirment-ils. « Les résultats sont donc à interpréter avec prudence. » D'autant que « si l'Union européenne est bien présente au quotidien dans chacun des vingt-sept États membres, si son action irrigue et affecte en profondeur les systèmes juridiques nationaux, les interactions entre normes européennes et loi nationale sont infiniment plus complexes qu'une simple transposition, "bête et méchante", de normes imposées de l'extérieur ».

Selon leurs calculs, « environ 25 % des dispositions législatives adoptées par le Parlement comportent un ou plusieurs articles transposant des dispositions d'origine communautaire. Moins de 10 % des lois comportaient une part significative de mesures de transposition du droit communautaire. Moins de 10 % du total des articles législatifs adoptés ont vocation à transposer des dispositions communautaires. [...] La mesure sectorielle de cet impact s'inscrit dans la logique des compétences transférées à l'Union : un impact fort pour l'agriculture, les transports, l'économie, l'environnement ; un impact modéré mais réel pour l'emploi et le social [...], la justice ; un impact marginal pour la culture, l'éducation, la défense, les affaires étrangères. Mais, contrairement à une idée reçue, même dans les secteurs les plus européanisés, la législation nationale "autonome" demeure largement majoritaire. Le cas de l'agriculture [...] est le plus révélateur. Un peu plus de 60 % des lois comportent des éléments d'origine communautaire. [...] Mais, quand on affine par article, on s'aperçoit que seulement 18 % de l'activité législative nationale dans ce domaine a une origine communautaire. »

« On est donc loin des 80 %, martelés tant par les fédéralistes soucieux de montrer l'importance de l'Europe que par les souverainistes cherchant à dénoncer le poids tentaculaire de la "bureaucratie" bruxelloise. » Sans doute les uns et les autres partagent-ils en définitive une vision commune de l'Europe, un comble !

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