L'Européenne la plus favorisée en débat à l'Assemblée (3)

21 février 2010

Une proposition de résolution censée promouvoir, à l'origine, la "clause de l'Européenne la plus favorisée" a été débattue à l'Assemblée nationale jeudi dernier, 18 février (1).

« Le gouvernement partage et soutient l'idée [...] de promouvoir une harmonisation par le haut des droits des femmes en Europe », a déclaré Mme Nadine Morano, secrétaire d'État en charge de la Famille et de la Solidarité. « D'ailleurs », a-t-elle précisé, « le gouvernement examine actuellement la compatibilité juridique de cette démarche avec les traités en vigueur. » À ses yeux, cependant, « la démarche induite par la clause proposée soulève quelques questions, et elle ne peut être recevable en l'état ». En effet, « si le principe d'égalité entre les femmes et les hommes est indiscutable » selon elle, « l'appréciation de ce qui constitue ou non un progrès en matière de droits des femmes est susceptible de différer d'un pays à l'autre ».

Selon l'observation du député UMP Guy Geoffroy, « un certain nombre de points a posé problème, comme l'automaticité. Le texte prévoyait "l'alignement" de notre droit national. Tout le monde a considéré que ce terme était inapproprié. » Aussi les parlementaires lui ont-ils substitué la notion d'« harmonisation », et renoncé a réclamer dès maintenant l'application de la clause de l'Européenne la plus favorisée. Le texte amendé s'en trouve édulcoré, justifiant la pique lancée par le socialiste Marcel Rogemont : « À entendre la majorité, a-t-il déclaré, on pourrait finir par comprendre que même pour des causes nobles, même pour des causes qui doivent tous nous rassembler, il ne serait pas question pour les députés de l'UMP de voter avec les socialistes [...] à moins d'émasculer leur proposition, ou plutôt, devrais-je dire, de l'exciser. »

Dans un communiqué, les députés MPF Véronique Besse et Dominique Souchet ont dénoncé une résolution qui « livrerait sans conditions ce qu'il nous reste de souveraineté aux expériences européennes les plus destructrices en matière familiale ». C'est méconnaitre le contenu du texte amendé, et plus encore sa nature. Mme Pascale Crozon l'a rappelé devant l'hémicycle : « Outre le soutien affiché à l'initiative du Royaume d'Espagne, nous invitons – c'est vrai – le gouvernement français à agir, une invitation qui ne saurait en aucun cas "lier les mains" de l'exécutif. Ce serait juridiquement contraire à l'article 34-1 de la Constitution (2) si tel était le cas. Nous nous situons pleinement dans l'esprit du droit de résolution que la réforme constitutionnelle de 2008 a accordé au Parlement, et qui consiste précisément à exprimer des souhaits et à soutenir des orientations. »

Le député PS a interpellé ses collègues en ces termes : « Je vous invite à réfléchir à la dégradation de notre image auprès de nos partenaires, et singulièrement à la dégradation de la crédibilité de la France au cours de la présidence espagnole [...] si nous remettions en cause l'adoption de cette proposition de résolution par la commission des lois. »  « À l'heure où l'Union européenne a manifestement fait de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle l'un de ses chevaux de bataille, il n'est pas pensable que la France n'aille pas dans ce sens et ne participe pas à ce mouvement », a confirmé Marcel Rogemont. Son collègue Jérôme Lambert s'est enthousiasmé : « Aujourd'hui, par ce débat et surtout sa conclusion, si elle est positive, la France va prendre toute sa place, une place digne de son histoire en faveur du droit de l'homme. Avec cette défense aujourd'hui du droit des femmes, c'est la France que nous aimons qui s'exprime, celle qui nous rend fiers d'être Français. »

D'autres héritages pourraient inspirer un pareil sentiment, tel « cet équilibre subtil entre virilité dominante et féminité influente » dont Éric Zemmour fait l'apologie dans Le Premier Sexe...

(1) Les explications de vote et le vote sur l'ensemble de la proposition de résolution auront lieu le mardi 23 février, après les questions au gouvernement.

(2) « Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique. Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l'ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard. »

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