ITER et la transparence nucléaire

7 mars 2010

Nouveau pas vers la maîtrise de la fusion nucléaire, la mise en œuvre du projet  ITER s'inscrit dans un cadre juridique original : contrairement à de nombreux réacteurs de recherche internationaux, ITER sera considéré comme une "installation nucléaire de base", dénomination recouvrant l'ensemble des centrales nucléaires en activité en France.

La chambre basse est saisie d'un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un protocole « relatif au rôle de l'inspection du travail sur le site de l'Organisation internationale ITER et portant sur la santé et la sécurité au travail ». Ce projet serait « l'un des plus prometteurs pour l'avenir de l'énergie nucléaire » selon Michel Destot, auteur d'un rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 24 février. La construction, dans les Bouches-du-Rhône, de l'International thermonuclear experimental reactor devrait permettre des avancées significatives vers la maîtrise de la fusion nucléaire.

Les avantages de la fusion

« Les deux principales réactions nucléaires permettant de produire de l'énergie sont la fission d'un noyau atomique, et la fusion de deux noyaux », rappelle le député-maire de Grenoble. « La réaction de fission est à l'origine des premiers réacteurs nucléaires, et reste le seul processus nucléaire actuellement utilisé pour produire industriellement de l'électricité. Bien que plus difficile à provoquer et entretenir artificiellement, la fusion nucléaire possède trois avantages considérables sur la fission. En premier lieu, elle ne produit pas de déchets radioactifs à haute radioactivité et à vie longue. [...] En second lieu, la fusion recourt à des matières premières bien plus abondantes que l'uranium ou le plutonium requis par les centrales à fission actuelles. Théoriquement, la fusion de deutérium et d'hélium est même un procédé permettant de créer de l'énergie sans limite, le deutérium étant très abondant dans la nature. En pratique, les moyens technologiques disponibles impliquent l'utilisation de tritium, extrait du lithium, dont les ressources sont finies, mais sans commune mesure avec celles actuellement disponibles pour l'uranium naturel. Enfin, la fusion nucléaire permet, avec peu de matières premières, de produire une quantité très importante d'énergie. On estime que la réaction de fusion génère au moins quatre fois plus d'énergie par atome que la réaction de fission. »

Ces perspectives justifient les investissements consentis : 10 milliards d'euros sur quarante-cinq ans. Lancé dès 1985 par Mikhaïl Gorbatchev, le projet ITER bénéficie de l'implication de sept parties – l'Europe, la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, l'Inde, le Japon et la Russie – dont la majorité des contributions à la construction du réacteur seront fournies en nature. « Afin de faire pencher la balance en faveur du site français de Cadarache, soutenu par l'ensemble de l'Union européenne, celle-ci accepta de prendre en charge une part importante des frais de construction d'ITER (45,46 % contre environ 9,09 % pour les autres) », poursuit le parlementaire. « La contribution européenne est fournie par l'intermédiaire d'une agence implantée à Barcelone, baptisée "F4E" (Fusion for energy), dotée d'un budget de 4 milliards d'euros pour les dix premières années du projet ITER. »

Forte implication française

« En plus de sa participation au financement de F4E, la France assume également un certain nombre de charges financières au titre d'État d'accueil. [...] L'ensemble des contributions françaises à ITER est estimé à 871,5 millions d'euros, auxquels s'ajoutent l'aménagement des voies d'accès au site de Cadarache et la construction d'un lycée international à Manosque pour accueillir les enfants des personnels de l'organisation ITER. » Des retombées économiques positives sont escomptées à court terme : « L'arrivée de 400 fonctionnaires internationaux, et les nombreux chantiers qui seront lancés dans le cadre du projet, [devraient] générer environ 3 000 emplois indirects pendant la construction du réacteur, et 3 200 une fois celui-ci en état de fonctionner. D'ores et déjà, les entreprises françaises se sont vues attribuer 230 millions d'euros de contrats. »

« Ce réacteur de recherche est soumis aux mêmes obligations de transparence et de sûreté que n'importe quelle centrale électronucléaire sur notre territoire », souligne le rapporteur. En effet, toutes les parties auraient convenu « qu'il n'était pas pensable d'entretenir un soupçon d'opacité pour un programme aussi important. C'est pourquoi l'applicabilité des règles nationales régissant les activités nucléaires a été prévue dès l'origine. » En conséquence, l'Autorité de sûreté nucléaire sera autorisée à effectuer des contrôles sur le site. C'est une première exception au regard du droit commun des organisations internationales tel que prévu par la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques de 1961. « Une deuxième série d'exceptions est prévue, qui fait l'objet du présent protocole additionnel. [...] L'accord du 7 novembre 2007 prévoit, à ses articles 3 et 17, que l'inspection du travail peut contrôler le respect par ITER des règles nationales en matière de santé et de sécurité au travail. La signature d'un accord entièrement consacré à ce thème était imposée par ce même article. »

Cela favorisera « l'acceptabilité par la population d'un programme de recherche qui suscite un important espoir » selon M. Destot, qui invite naturellement la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée à adopter ce projet de loi.

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