La confusion règne en Europe

4 mars 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Agacement des Américains, dissensions entre les gouvernements et la Commission, critiques persistantes à l'encontre du Haut Représentant.... L'Europe du traité de Lisbonne peine à soigner sa crédibilité internationale.

Le traité de Lisbonne « permet à l'Europe de se faire clairement entendre auprès de ses partenaires mondiaux », proclame le site officiel de l'UE. Trois mois après son entrée en vigueur le 1er décembre 2009, les faits contredisent apparemment cette affirmation péremptoire.

Députés en embuscade

Après avoir déploré la confusion régnant dans l'Union, dont trois présidences se disputent désormais la représentation internationale (Conseil européen, Conseil, Commission), le gouvernement américain a dû recevoir la lettre l'informant « de la fin de l'application provisoire d'un accord sur le traitement et le transfert de données de messagerie financière [...] aux fins de son programme de surveillance du financement du terrorisme ». Réunis le 22 février, les représentants des Vingt-Sept en avaient approuvé le texte suite au veto du Parlement européen étrennant ses nouveaux pouvoirs. Dans un communiqué publié le lendemain, l'assemblée a confirmé que « les députés sont déterminés à exercer leur pouvoir budgétaire et leur contrôle démocratique dans le domaine de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), y compris pour ce qui est des mécanismes de financement du service d'action extérieure ».

L'architecture du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE) n'est pas encore fixée.  Selon Jean Quatremer, il serait « quasiment acquis que celui-ci sera dirigé par un diplomate français de très haut rang, fin connaisseur des affaires européennes et bourreau de travail, secondé par un directeur politique italien ou allemand » (Coulisses de Bruxelles, 22/02/2010). Pour l'heure, la nomination d'un nouveau représentant à Washington illustre les difficultés posées par la fusion des piliers communautaire et intergouvernementaux. José Manuel Durão Barroso a dépêché outre-Atlantique son directeur général des Relations extérieures, Joao Vale de Almeida. Ce faisant, le président de la Commission européenne s'est attiré les foudres des États membres.

Nomination controversée

« Envoyer un simple fonctionnaire à Washington pour succéder à un ancien Premier ministre, l'Irlandais John Bruton, qui avait sur place des réseaux d'une rare efficacité, n'est sans doute pas la chose la plus intelligente à faire au moment où les relations transatlantiques connaissent quelques remous à la suite de l'annulation par Barack Obama du sommet UE-États-Unis », poursuit notre confrère. Mais il y a plus. En application du traité de Lisbonne, les anciennes délégations de la Commission, placées désormais sous la responsabilité du Haut Représentant, sont appelées à représenter l'Union européenne tout entière. Aussi Pierre Lellouche a-t-il rappelé que « les États doivent être consultés ». Le secrétaire d'État en charge des Affaires européennes a exprimé le mécontentement de la France le 22 février, lors du Conseil des Affaires étrangères. « Plusieurs délégations [...] ont approuvé mon intervention », a-t-il confié à la presse (Bruxelles 2, 22/02/2010).

Mme Catherine Ashton, Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, par ailleurs vice-président de la Commission, pourrait se trouver tiraillée entre deux institutions rivales. « On voit [...] apparaître un aspect assez peu visible du traité de Lisbonne », commente notre confrère Nicolas Gros Verheyde, qui expliquerait « pourquoi nombre d'États membres militaient en sa faveur ». Avec la création du SEAE, en effet, la Commission perd « une partie de l'autonomie acquise durant des années. On assiste [à] une certaine "renationalisation" des délégations extérieures de la Commission européenne. » Mais de là à évoquer un traité souverainiste, il y a un pas que nous nous garderons de franchir !

L'indignation fut de mise, également, à l'occasion de la réunion informelle des ministre de la Défense, organisée à Palma de Majorque les 24 et 25 février. Mme Ashton n'était pas là, préférant, notamment, assister à l'investiture du nouveau président ukrainien (dont la visite était annoncée à Bruxelles le 1er mars). Toute la réunion aurait été préparée « en étroite collaboration » avec elle, a assuré Luis Cuesta, le secrétaire général espagnol de la Politique de défense, bien incapable d'étouffer les sarcasmes. Le secrétaire d'État néerlandais Jack De Vries a donné le ton sur Twitter : « Mme Ashton a brillé par son absence. Solana [son prédécesseur], lui, était toujours là... » (Bruxelles 2, 24/02/2010) Et le ministre de la Défense Hervé Morin d'ajouter, devant quelques journalistes : « Je trouve particulièrement savoureux, alors que nous devons évoquer les questions des relations entre l'UE et l'OTAN, que le secrétaire général de l'OTAN soit là et qu'il n'y ait personne pour l'UE... » (Bruxelles 2, 25/02/2010)

Quelques perspectives

Plus sérieusement, selon un compte rendu de la présidence espagnole, les ministres de la Défense sont convenus, entre autres, d'élargir les objectifs de l'opération Atalanta afin d'y inclure le contrôle des ports somaliens où amarrent les bateaux pirates. Ils prévoient, en outre, d'élargir l'utilisation potentielle des groupements tactiques aux missions humanitaires, et se sont accordés sur l'opportunité de doter leurs réunions « de pouvoir de décision en matière de déploiement des capacités, d'apport de forces et de moyens aux opérations en cours, d'impulsion à l'industrie européenne de la défense et de développement des clauses d'assistance mutuelle et de solidarité ».

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