Maîtriser la pointe électrique

15 avril 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Les énergies renouvelables sont la coqueluche des médias. Mais nulle politique ne saurait se réduire à favoriser leur développement. La maîtrise des pics de consommation électrique figure parmi les enjeux majeurs.

Plusieurs écueils se sont heurtés, tout récemment, aux discours les plus convenus appelant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 31 mars, un rapport d'information présenté par le député Franck Reynier s'est montré critique à l'égard du développement de l'énergie éolienne, jugé « désordonné ».

Camouflet

Par ailleurs, alors que le président de la République avait jugé acquise l'institution d'une taxe carbone aux frontières de l'UE, la Commission européenne a pointé « un nombre d'inconvénients considérables qu'il faudra résoudre » (Euractiv, 07/04/2010). Enfin, un colloque parlementaire a mis en relief, jeudi dernier, l'incapacité de la France à prendre des mesures claires en faveur des énergies renouvelables, censées couvrir 23 % de la consommation nationale d'ici 2020 (Euractiv, 09/04/2010).

La maîtrise de la pointe électrique, sur laquelle ont planché Serge Poignant et Bruno Sido, respectivement député et sénateur, est un enjeu moins connu, mais néanmoins stratégique. Depuis une dizaine d'années, la puissance appelée en période de pointe augmente plus rapidement que la consommation générale. Plusieurs facteurs sont en cause, telles l'attractivité croissante du chauffage électrique, qui rend la consommation française d'autant plus sensible à la température en hiver, ou l'augmentation du nombre de ménages, qui tire la consommation résidentielle – preuve que l'évolution des mœurs a de multiples conséquences. Le dernier record fut enregistré le 7 janvier 2009, avec une demande de 92,4 GW. Selon un scénario "référence" échafaudé par RTE (Réseau de transport d'électricité), la puissance requise dans des conditions climatiques se présentant en moyenne tous les dix ans devrait atteindre 104 GW à l'hiver 2014-2015 et 108 GW en 2019-2020.

Ces chiffres sont d'autant plus préoccupants que la plupart des moyens de production de pointe sont vieillissants. Le nucléaire domine certes le parc de production français (63,3 GW sur un total de 117), mais celui-ci ne s'accommode que de modulations saisonnières. En période de pointe, outre des importations et l'hydraulique, seuls le charbon et le gaz, voire le fioul, autorisent les ajustements nécessaires. C'est pourquoi un lissage de la courbe de charge contribuerait à réduire les émissions de gaz carbonique – lesquelles affectent environ 10 % de la production électrique française.

Effacements contractuels

On cherchera donc à pratiquer des effacements de consommation. Le délestage est  la solution la plus radicale... L'information d'urgence aurait par ailleurs prouvé son efficacité en Bretagne. Notons que certains effacements n'auraient rien d'intolérable : « le fait d'éteindre le chauffage électrique pendant 15 à 30 minutes dans un logement bien isolé ne modifie pas la température ressentie par le consommateur », soulignent MM. Poignant et Sido. À l'avenir, les opérateurs pourraient être habilités à modifier la consommation de leurs clients, comme cela se fait déjà en Californie : « Les Programmable Communicating Thermostat (PCT) permettent de commander temporairement une hausse de la température de consigne des climatiseurs de 1 à 3° C en période de pointe estivale et le client – informé de ce changement – garde la possibilité de rétablir la température initiale. Ces dispositifs sont obligatoires dans les logements neufs. » De nouvelles offres tarifaires devront favoriser les effacements aux moments les plus critiques. « La clé est la mise en place rapide du compteur communicant Linky qui permettra un comptage à la carte », poursuivent les rapporteurs.

Comment contraindre des acteurs privés ?

Rappelons enfin que la maîtrise de la pointe électrique s'inscrit dans un contexte de libéralisation. Or, le financement des moyens de pointe « exclusivement par un marché en énergie est voué à l'échec », affirment les parlementaires. « Car même si les marchés en énergie peuvent en théorie assurer la rentabilité des moyens de pointe – et symétriquement des effacements – la visibilité qu'ils offrent n'est pas suffisante. Les pics de prix sont trop aléatoires en fréquence et en niveau et le risque est trop important pour un investisseur. Dans un système avec de multiples responsables d'équilibre, aucun fournisseur n'a intérêt à assumer le risque d'un tel investissement, dans la mesure où une défaillance éventuelle ne sera pas nécessairement de son fait et n'entraînera pas nécessairement de pertes insupportables. » Il appartient aux pouvoirs publics d'encadrer strictement les évolutions en cours. Serge Poignant et Bruno Sido voudraient imposer aux fournisseurs une obligation de capacité. Reste à définir les modalités qui permettront d'en assurer le respect.

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