Cartographie financière

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que les déficits publics alimentent les difficultés de financement des entreprises, les velléités "régulatrices" se heurtent à l'opacité de nouveaux produits proposés aux investisseurs. Aperçu du tableau dressé par l'AMF.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) a présenté le mois dernier « la cartographie 2010 des risques et tendances sur les marchés financiers et pour l'épargne ». Jean-Pierre Jouyet, son président, a pointé – sans surprise – le déséquilibre des finances publiques : ce serait « le premier des risques » pesant sur notre économie, sinon le seul, « car en un sens il englobe tous les autres ».

Mauvais présage

Dans l'immédiat, les marchés obligataires sont menacés par la hausse des taux d'intérêt. Mardi 8 juin, les CDS (credit default swaps) se sont envolés : le coût annuel des assurances protégeant les investisseurs contre un défaut de paiement français à cinq ans a dépassé les 100 points de base (1 % de la valeur notionnelle). Un prélude à la perte du "triple A" dont Paris bénéficie depuis qu'il est noté par Standard & Poor's, Moody's et Fitch ? Le spectre d'une dégradation hante vraisemblablement les couloirs de Bercy. D'autant que les déboires de l'État ont pour corollaire « un durcissement des conditions de financement de l'ensemble des agents économiques ». Les PME seraient tout particulièrement affectées par « la concurrence accrue pour l'accès aux financements ». Quant aux épargnants, « de plus en plus frileux », ils privilégient « une allocation de leur épargne faiblement rémunératrice » à l'origine d'un « sous-rendement structurel ».

Ingéniosité spéculative

Si les modalités de cotation des actions et le trading algorithmique inspirent toujours quelque réserve ou inquiétude, tel ne serait plus le cas des transactions de gré à gré, en raison de leur évolution « inévitable » vers un large recours à l'entremise des chambres de compensation, complété par un enregistrement dans des bases de données centrales pour les marchés de dérivés. « Ainsi les chambres de compensation et d'enregistrement vont-elles devenir des maillons essentiels de la chaine des risques » dont il conviendra de « surveiller étroitement » la gouvernance. L'AMF prône l'implantation en zone euro des chambres traitant des contrats libellés dans la monnaie unique.

Son président déplore la commercialisation de nouveaux produits qui seraient « surtout destinés à contourner les contraintes règlementaires en matière de fonds propres ou conçus pour satisfaire les exigences des investisseurs en matière de notation des titres en portefeuille ». Or, étant donné leur complexité croissante, il n'est « pas certain que ces instruments de dette soient correctement valorisés sur les marchés et que les investisseurs estiment correctement le risque de crédit associé ».

La prudence contre le principe de précaution

Cela dit, Jean-Pierre Jouyet met en garde contre « une surenchère dans la volonté de maitriser tous les risques » : « Si on cherche à créer une économie sans risque, il n'y aura plus d'économie du tout. C'est à la qualité de la maîtrise et du contrôle des risques que nous devons veiller et non à l'éradication totale du risque. Car le risque vraiment nocif, c'est celui que l'on n'a pas su ou voulu anticiper. » La prudence va-t-elle éclipser le "principe de précaution" ? Hélas, la République ne s'est pas montrée exemplaire dans l'exercice des vertus cardinales... Confrontés aux exigences contradictoires des marchés, qui appellent à maîtriser les déficits publics sans compromettre la relance de l'économie, les pouvoirs publics devront agir  avec doigté », selon l'expression de M. Jouyet. Ils seront forcés de reconnaître, un jour ou l'autre, la faillite de l'État-providence. Le plus tôt sera le mieux.

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