Fédéralisme budgétaire
17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
L'intégration européenne sera-t-elle relancée à la faveur de la crise ? Le président de la BCE réclame une « fédération budgétaire »... Mais les mots n'ont pas le même sens pour tout le monde.
Lundi 7 juin, les ministres de l'Eurogroupe ont entériné le mécanisme européen de stabilisation financière. Un gage donné aux marchés, dont la confiance ne sera toutefois rétablie que par un assainissent durable des finances publiques... Le lendemain, le Conseil a donné son feu vert à l'adoption de la monnaie unique par l'Estonie, qui deviendra vraisemblablement, le 1er janvier prochain, le dix-septième pays de la zone euro.
La livre dans la tourmente
Tandis que Nicolas Dupont-Aignan appelle à sortir de l'euro « avant qu'il ne soit trop tard », cette perspective peut apparaître surréaliste. Mais si les écarts de compétitivité menacent effectivement la monnaie unique, qui prive en outre les États de l'instrument de dévaluation, celle-ci n'est pas responsable du laisser-aller budgétaire expliquant la crise des dettes souveraines... En témoigne la situation du Royaume-Uni, dont la livre sterling ne saurait masquer un déficit public« gigantesque », ainsi que l'a qualifié Fitch. L'agence de notation a souligné le 8 juin « que l'augmentation du ratio de la dette dans le pays depuis 2008 "est plus rapide que dans aucun des autres pays notés AAA" (de 52 % en 2008 à 70 % en 2010 et 87 % attendu en 2011) à cause d'un déficit public (11,1 % du PIB) qui est environ "deux fois plus élevé qu'au cours des précédents épisodes de détérioration budgétaire dans les années 1970 et début 1990". Autant dire que "l'ajustement souhaitable (sera) parmi les plus élevés des pays avancés". » (Coulisses de Bruxelles, 09/06/2010)
Interrogé par Stéphane Lauer, Frédéric Lemaître et Marie de Vergès, Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, a pointé en premier lieu « les responsabilités propres à chacun des pays concernés » (Le Monde, 01/06/2010) « Mais il y a aussi une vraie responsabilité collégiale. La surveillance multilatérale, attentive, qui est fondamentale dans la lettre et dans l'esprit du Pacte de stabilité et de croissance, a été terriblement négligée. » Aussi « la surveillance des politiques budgétaires, des évolutions de la compétitivité des économies de la zone euro et des réformes structurelles » devrait-elle « être radicalement améliorée ». « Nous sommes une fédération monétaire », a poursuivi M. Trichet. « Nous avons maintenant besoin d'avoir l'équivalent d'une fédération budgétaire en termes de contrôle et de surveillance de l'application des politiques en matière de finance publique. »
Surveillance multilatérale ou solidarité ?
Alain Lamassoure, député français au Parlement européen, a suggéré la mise en commun de certaines "lignes budgétaires", « dans des domaines où des dépenses communes seraient plus efficaces » selon le résumé d'Euractiv (09/06/2010). « Sans s'ajouter au budget européen, ces fonds seraient mutualisés dans une structure ad hoc. Selon Alain Lamassoure, François Fillon a évoqué la possibilité d'appliquer un tel système "à certaines technologies critiques en matière de défense et de recherche". »
Ce projet relève, lui aussi, d'une approche fédéraliste. Mais « les mots n'ont pas le même sens pour tout le monde », a prévenu Alain Madelin (BFM radio, 08/06/2010). En effet, Jean-Claude Trichet prône une surveillance mutuelle, mais non « un fédéralisme de solidarité » qui supposerait, in fine, « que les Grecs dépensent et que l'Allemagne paie ». Galvanisés par la création du Fonds européen de stabilité financière, dont ils exagèrent la portée, « quelques eurolâtres » veulent y croire. Selon le député belge Guy Verhofstadt, président du groupe ADLE au Parlement européen, « seule la méthode communautaire peut apporter des solutions adaptées à l'actuelle crise économique, en créant une plus forte intégration européenne », affirme Euractiv (06/06/2010). Or, rétorque l'ancien ministre de l'Économie, « l'hyper-intégration » apparait « totalement inapplicable à l'Europe », où la mobilité des hommes et des capitaux est sans commune mesure avec celle pratiquée aux États-Unis.
De même, le « gouvernement économique » défendu par la France n'est rien d'autre qu'un gadget sémantique. Réunis à Berlin à quelques jours du sommet européen des 17 et 18 juin, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont appelé à renforcer le Pacte de stabilité, esquissant déjà une nouvelle révision des traités... L'UE pourra certes distribuer bons points et avertissements, mais il appartient aux responsables nationaux d'assumer – enfin – leurs responsabilités.