Mayotte sous la loi commune
17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
L'île aux Parfums s'acclimate progressivement au statut de département d'outre-mer français qui lui sera conféré l'année prochaine. Entres autres domaines faisant l'objet d'une réforme : le mariage et la justice.
Une nouvelle étape dans le processus de départementalisation de Mayotte a été franchie le mercredi 2 juin. Ce jour-là, Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'Outre-Mer, a présenté une ordonnance portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable sur l'île aux Parfums, ainsi qu'aux juridictions compétentes pour en connaître. Selon les explications du gouvernement, ce texte vise à mettre un terme à l'inégalité entre les hommes et les femmes en matière de mariage et de divorce : il proscrit la répudiation et interdit de contracter de nouvelles unions polygames, sans condition d'âge ; jusqu'alors, les hommes nés avant 1987 bénéficiaient d'un statut privilégié, garanti par la loi de programme pour l'Outre-Mer du 21 juillet 2003.
En relevant à dix-huit ans l'âge légal du mariage des femmes, cette ordonnance permettra l'adhésion de la France à la Convention internationale sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages, adoptée à New York le 7 novembre 1962 – adhésion jusqu'ici différée en raison de la spécificité des règles applicables à Mayotte. Le texte supprime également la justice cadiale, dont le fonctionnement n'était pas compatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. « Le système cadial est en place aux Comores et à Mayotte depuis l'arrivée des Shiraziens entre le XIVe et le XVIe siècle », rapportait en 2001 le sénateur José Balarello. « Depuis cette époque, le cadi joue un rôle de juge, de médiateur et d'institution régulatrice de la vie sociale et familiale. Il a été explicitement maintenu par [le] traité de 1841 passé entre le sultan Andriansouly et le commandant Passot. »
La charia sur la sellette
Régis par un statut fixé en 1986, les cadis et les secrétaires greffiers étaient des fonctionnaires de la collectivité territoriale de Mayotte ; recrutés sur concours, ils étaient investis par le préfet, après avis du procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel et d'une commission présidée par le président du tribunal supérieur d'appel et composée de quatre personnalités religieuses désignées par le préfet et le Grand cadi. Outre l'application de certains principes du droit coutumier (répudiation, polygamie, double part successorale des hommes...), le fonctionnement même de la justice cadiale était critiqué : « Les cadis ne disposent souvent d'aucune documentation et leur méconnaissance du droit musulman entraîne des divergences de jurisprudence d'autant plus insatisfaisantes que le taux d'appel demeure très faible. De plus, l'absence de formule exécutoire rend l'exécution des décisions aléatoire. Par ailleurs, la justice cadiale ne connaît pas la représentation par des avocats. »
L'ordonnance présentée le 2 juin 2010 substitue à la justice cadiale une compétence de plein droit de la juridiction de droit commun pour connaître des conflits entre personnes relevant du statut personnel de droit local. Conformément au Pacte pour la départementalisation, le rôle des cadis sera recentré sur des fonctions de médiation sociale.