Verhofstadt fustige Paris

15 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

En affichant sa préférence pour un service diplomatique placé sous le contrôle des gouvernements, la France s'est attiré de vives critiques au sein du Parlement européen, formulées plus particulièrement par un eurodéputé belge.

Réuni en session plénière, le Parlement européen a entériné le 7 juillet l'accord dessinant les contours du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE). À l'approche de l'événement, notre confrère Jean Quatremer, chantre d'une Europe fédérale, avait regretté que « la diplomatie européenne échappe à la Commission et au Parlement » (Coulisses de Bruxelles, 28/06/2010).

Un chantage payant

Pourtant, la fronde des députés n'a pas été sans résultats. Par exemple : le contrôle des instruments financiers extérieurs de l'UE (politiques de développement et de voisinage) restera de la compétence de la Commission ; le personnel du SEAE sera composé d'au moins 60 % de fonctionnaires européens ; son budget opérationnel sera géré par la Commission ; le Parlement recevra de la Commission un document comptable retraçant l'ensemble de ses dépenses "action extérieure" ; avant de prendre leurs fonctions, les représentants spéciaux de l'UE et les chefs de délégation pourront se présenter pour une audition informelle devant la commission des Affaires étrangères du Parlement ; le Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité (Mme Catherine Ashton) consultera les députés sur ses principales options ; certains parlementaires auront accès à des documents confidentiels ; une structure sera en charge des "droits de l'homme" au niveau central ainsi que localement, dans les délégations.

Nationaliste français !

Ce sont autant de motifs de satisfaction pour Guy Verhofstadt, le chef de file de la rébellion parlementaire. Dans le collimateur de l'ancien Premier ministre belge, aujourd'hui député au Parlement européen, figurait la France et son secrétaire d'État en charge des Affaires européennes : « Certains nostalgiques de l'Europe du congrès de Vienne, à l'instar de Pierre Lellouche, auraient voulu que le SEAE devienne le docile serviteur des intérêts nationaux. [...] Malgré leurs manœuvres pitoyables, le SEAE ne sera pas un lobby intergouvernemental [...] avec le Foreign Office et le Quai d'Orsay comme grands ordonnateurs », a-t-il écrit à Jean Quatremer, auquel il reprochait de « relayer sans distance un point de vue si vieille France » (Coulisses de Bruxelles, 01/07/2010). Et de railler « la frustration d'un nationaliste comme Pierre Lellouche » ! Cela dit, les origines de M. Verhofstadt le prédisposaient quelque peu à ses velléités fédéralistes. Serait-il nationaliste lui aussi ?

S'exprimant le 23 juin devant la commission des Affaires étrangères du Sénat, Pierre Lellouche avait annoncé qu'il ne transigerait pas « sur le respect de nos intérêts et de nos lignes rouges [...], qu'il s'agisse [...] de l'objectif d'une présence des agents issus des diplomaties nationales à hauteur au moins d'un tiers des effectifs ou de l'autonomie du Service et du principe d'équidistance, y compris en termes budgétaires ». « La clef de la légitimité de l'action diplomatique, c'est le Conseil européen », autrement dit les chefs d'État ou de gouvernement, avait-il encore martelé devant les journalistes le 28 juin (Euractiv, 29/06/2010).

Diplomatie et bananes

L'inénarrable Verhofstadt s'en est indigné : « Je ne comprends pas comment certains peuvent affirmer que ce sont les États-nations qui doivent être exclusivement compétents en matière de politique étrangère », a-t-il avoué dans l'hémicycle de Strasbourg. « J'ai parfois l'impression que pas mal de collègues qui sont un peu sceptiques concernant ce service vivent encore au XIXe siècle », a-t-il poursuivi. Selon lui, « ce n'est que là où la méthode communautaire est d'application que nous avons réussi, comme dans le domaine du marché intérieur ». L'opération navale Atalanta,  luttant contre la piraterie au large de la Somalie, est pourtant saluée comme un succès, bien qu'elle soit orchestrée, comme il se doit en matière de défense, suivant la stricte méthode intergouvernemetnale. N'en déplaise à M. Verhofstadt, on ne met pas en œuvre une politique étrangère de la même façon qu'on règlemente la courbure des bananes.

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