Le spectre d'un impôt européen

2 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

En plein été, alors que la "rigueur" venait de s'immiscer timidement à Bercy, un commissaire européen a relancé le projet d'un "impôt européen". Les contribuables seront-ils trahis par Paris ?

Un serpent de mer a ressurgi, au cours de l'été, sous l'impulsion du commissaire européen en charge de la Programmation financière et du Budget, le Polonais Janusz Lewandowski. Selon les révélations du Financial Times Deutschland (09/08/2010), il va proposer aux États membres de l'Union la création d'un "impôt européen" – peut-être une taxe sur les voyages aériens ou les transactions financières, rapporte l'agence Reuters.

Un pavé dans la marre

« Cette nouvelle ne constitue pas une surprise » au yeux d'Alain Bournazel. Sans doute le secrétaire général du Rassemblement pour l'Indépendance de la France (RIF) s'est-il rappelé qu'en novembre dernier, Herman Van Rompuy avait plaidé en faveur d'une taxe environnementale alimentant les caisses de l'UE. De quoi satisfaire le Parlement européen, qui avait regretté, dans une résolution adoptée en 2007, que le financement du budget communautaire « ne contribue pas à la visibilité de l'engagement en faveur de l'intégration européenne ». Quant à Nicolas Sarkozy, présenté comme un « grand briseur de tabous » par Alain Lamassoure, il « avait finalement renoncé à s'attaquer à celui-là, après avoir évoqué l'idée d'un impôt affecté à l'Union européenne durant sa pré-campagne présidentielle » (Questions d'Europe, 29/03/2010).

« En dotant l'Union européenne de la personnalité juridique », on lui aurait donné « les moyens de créer un nouvel impôt », prévient Alain Bournazel. Peut-être l'opinion publique y a-t-elle été préparée, tandis qu'on tentait de lui vendre un traité sous l'appellation symbolique de « constitution européenne ». Les "ressources propres" de l'Union n'en demeurent pas moins fixées par le Conseil des ministres, statuant à l'unanimité après consultation du Parlement européen. En outre, la décision des gouvernements « n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives » (article 311-3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). Dans ces conditions, « l'impôt européen n'a pas la moindre chance d'aboutir », estime Nicolas-Jean Brehon (Le Monde, 16/08/2010). D'autant que Paris, Berlin et Londres l'ont d'ores et déjà condamné. « Nous jugeons cette idée [...] parfaitement inopportune », a déclaré à l'AFP Pierre Lellouche, le secrétaire d'État en charge des Affaires européennes. La Commission aura vraisemblablement jeté un pavé dans la marre dans l'espoir d'arracher aux États une petite rallonge budgétaire, susceptible désormais d'apparaître comme un "moindre mal" devant les électeurs.

Trois ressources

Les recettes de l'UE devraient s'élever cette année à quelque 122,9 milliards d'euros. Elles proviennent, principalement, des droits de douane perçus sur les importations en provenance des pays tiers, d'une "ressource TVA", et d'un prélèvement sur le revenu national brut (RNB) de chaque État membre. « Bien qu'il s'agisse d'un élément d'équilibrage, cette ressource constitue aujourd'hui la source de revenu la plus importante et représente 76 % des recettes totales », souligne la Commission européenne. Contre 11 % en 1988. « Tout se passe comme si l'Union était financée, non par ses cinq cents millions de citoyens, mais par vingt-sept contribuables - les vingt-sept ministres du Budget », constate Alain Lamassoure. En effet, « les deux principales ressources [...] ne diffèrent en rien des contributions nationales classiques qui financent les organisations internationales », confirme Nicolas-Jean Brehon (Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin).

Nostalgie européiste

« Ce n'était pas l'intention des pères fondateurs », déplore Janusz Lewandowski. Le Parlement européen l'avait rappelé : « La première Communauté européenne, la Communauté européenne du charbon et de l'acier, créée le 23 juillet 1952, était financée par un véritable système de ressources propres, fondé sur un prélèvement opéré sur chaque tonne d'acier produite, payable directement par les sociétés fabriquant du charbon et de l'acier au budget de la CECA. » Preuve que la "marche forcée" vers le fédéralisme ne va pas sans quelque accrocs.

Le Parlement européen voudrait « redonner vie à la lettre et à l'esprit des traités fondateurs ». Mais sans révolution juridique, puisqu'il « estime que, comme le prévoient les traités [...], la souveraineté fiscale doit demeurer du ressort des États membres qui pourraient toutefois autoriser l'Union, pour une période limitée et révocable à tout instant, à bénéficier directement d'une certaine proportion des prélèvements fiscaux, comme c'est le cas dans la plupart des États membres à l'égard de leurs collectivités régionales ou locales ». Autrement dit, si un impôt "européen" devait être institué à court ou moyen terme, ce serait en marge du contrôle de Bruxelles. N'en déplaise aux idéologues, les États n'ont pas dit leur dernier mot.

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