La mémoire, un enjeu mondial

7 octobre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le passé de la France irrigue jusqu'à la rhétorique des terroristes islamistes à l'origine des dernières prises d'otages. Preuve que le "travail de mémoire" ne relève pas seulement des polémiques nationales.

L'esprit des cinéastes est loin d'être le seul hanté par le souvenir de la colonisation. En témoigne la rhétorique d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), qui détient les sept otages – dont cinq Français – enlevés au Niger dans la nuit du 15 au 16 septembre. L'organisation a réactivé « la figure de l'ennemi traditionnel de l'Algérie », selon l'analyse de Mathieu Guidère (1), en « exploitant le sentiment de frustration populaire face aux conditions de vie difficiles ». On retrouverait les principaux arguments invoqués jadis pour légitimer les attentats de 1995. Ceux-ci avaient été perpétrés par le GIA (Groupe islamique armé), dont une dissidence, le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), fit depuis allégeance à Oussama ben Laden, formant la quatrième branche d'Al-Qaïda, après celles établies en Arabie saoudite, en Afghanistan et en Irak.

L'Irak, dont l'invasion, et l'insurrection qui s'ensuivit, auraient « contribué, depuis 2003, à mélanger les combattants originaires de tous les pays du Maghreb », et fourni aux islamistes « un argument de recrutement très porteur ». Autant de facteurs préparant le ralliement du GSPC, réalisé par l'entremise des terroristes tchétchènes. Ce faisant, « il a entamé une mutation vers les attentats-suicides à visée internationale », offrant « une base arrière pour tous les islamistes en Afrique du Nord et au Sahel ».

La France apparaît comme une cible prioritaire, étant donné son implication au Maghreb, synonyme d'ingérence, et même de pillage, dans la bouche des islamistes. Souvent désignée comme « la mère nourricière du régime algérien », elle est stigmatisée par l'entretien d'« une certaine confusion historique entre la période des croisades et celle des colonisations ». Dans une vidéo diffusée le 11 septembre 2006, Zawahri avait salué en ces termes le rapprochement des réseaux terroristes : « Cette union bénie sera un os dans la gorge des croisés américains et français, ainsi que de leurs alliés, et fera naître la peur dans le cœur des traitres et des fils mécréants de France. » Le 3 janvier 2007, Abdelwadoud dénonçait, quant à lui, « l'axe du mal conduit militairement par l'Amérique et culturellement par la France, avec le soutien de l'Otan ». Entre autres méfaits commis par Al-Qaïda au Maghreb islamique figurent deux attentats contre l'entreprise française Razel (BTP), l'attaque du siège d'Interpol en Algérie, l'assassinat de touristes français en Mauritanie fin 2007, le meurtre de Michel Germaneau en juillet dernier... Sombre bilan.

(1) Mathieu Guidère : « La tentation internationale d'Al-Quaïda au Maghreb », Focus stratégique n° 12, décembre 2008. Un document de 55 pages disponible gratuitement sur le site Internet de l'IFRI.

Laissez un commentaire