Pour en finir avec les Roms

7 octobre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le dialogue se poursuit désormais entre Paris et Bruxelles avec une moindre théâtralité. D'autant que la Commission européenne renonce, pour le moment, à poursuivre la France pour « discrimination ».

Paris et Bruxelles seraient-ils décidés à calmer le jeu dans l'affaire les opposant sur l'expulsion des Roms ? La polémique avait atteint son comble à la mi-septembre, après que Viviane Reding se fut décidée à jouer la vierge effarouchée. « J'ai été personnellement choquée par des circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées d'un État membre uniquement parce qu'elles appartiennent à une certaine minorité ethnique », avait-elle déclaré le 14 septembre. « Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Seconde Guerre mondiale. » Regrettant « que les assurances politiques données par deux ministres français [soient] contredites par une circulaire administrative », elle avait dénoncé « un affront », avant de conclure : « Après onze ans d'expérience à la Commission, je dirais même plus, c'est une honte. »

Sarko fait son show

Confronté à une telle suffisance, le président de la République a profité du Conseil européen du 16 septembre pour élever la voix. Au risque de froisser ses homologues, vraisemblablement exaspérés par sa volonté d'instrumentaliser un sommet international à des fins de propagande intérieure. « La France a agi et continuera d'agir dans le strict respect du droit européen », avait-il martelé lors d'une conférence de presse, avant d'entrouvrir une porte de sortie : « En vérité, je pense que la Commission et nous, nous sommes sur la même position. Les choses vont revenir dans la normale et s'il n'y avait pas eu ces propos outranciers, ceci aurait été géré tout à fait normalement. La Commission est dans son rôle en posant des questions, en regardant si l'esprit et la lettre des traités sont respectés. [...] S'il s'avérait que dans la transposition [de la directive encadrant droit de libre circulation et de séjour], les gouvernements qui nous ont précédé, comme le nôtre, aient commis des erreurs [...], mais naturellement qu'on les corrigerait. »

Mise en demeure

Or, le mercredi 29 septembre, Bruxelles a confirmé qu'il enverrait « une lettre de mise en demeure à la France en demandant la transposition complète de la directive, à moins qu'un projet de mesure de transposition ainsi qu'un calendrier précis pour son adoption ne soit transmis avant le 15 octobre 2010 ». Aussitôt, Paris a réagi avec satisfaction, soulignant que d'autres États membres (sinon la majorité) étaient passibles d'une telle procédure, au demeurant banale, sinon anecdotique, puisque la Commission cessait de pointer (pour le moment) une application discriminatoire du droit de l'Union.

La mécanique européenne peut souffrir des rivalités au sein du triangle institutionnel (Conseil des ministres où sont représentés les gouvernements, Commission, Parlement), mais non des hostilités ouvertes, dont les sommets les plus fédéraux seraient d'ailleurs les premiers à pâtir. Aussi cette crise semble-t-elle évoluer selon le scénario le plus vraisemblable. Mme Reding pourra s'enorgueillir d'avoir engagé quelques poursuites, poussée par un tropisme fédéraliste inhérent à sa nationalité luxembourgeoise, auquel s'ajoute la prégnance des rivalités institutionnelles. En effet, comment expliquer sa participation au bal des hypocrites, sinon par la volonté de flatter les parlementaires, rendus incontournables par l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, après avoir été cantonnés, des années durant, à l'adoption de résolutions ?

Astérix tient bon

Quant à Nicolas Sarkozy, il aura démontré, une fois de plus, la force de sa détermination, bravant, seul contre tous, le monstre bruxellois, selon un refrain bien connu... Pierre Lellouche, le secrétaire d'État en charge des Affaires européennes, se serait même risqué à justifier ce numéro d'esbroufe : il conviendrait de « rassurer les Français inquiets de l'ingérence de l'exécutif européen dans les affaires intérieures françaises », aurait-il confié, en substance, à notre confrère Jean Quatremer, scandalisé par ce « coming out souverainiste » !

Cela dit, « l'affaire n'est pas classée », a prévenu Mme Reding, en réponse au mécontentement exprimé par certains parlementaires. « Je trouve que la communication de la Commission est ridicule » a déclaré, par exemple, l'eurodéputé italien Sonia Alfano (ADLE). Le Berlaymont a adressé des demandes d'informations complémentaires aux autorités françaises. « J'ai fait part de ma profonde déception concernant la circulaire du 5 août », a rappelé le vice-président de la Commission. « Elle a été modifiée le 13 septembre. Que s'est-il passé entre, et que se passe-t-il à l'heure actuelle ? [...] Il nous faut examiner les copies des ordres d'expulsion afin de comprendre clairement ce qui est arrivé. Il nous faut les chiffres, tous les chiffres, afin de pouvoir continuer notre analyse. » La maîtresse d'école a du pain sur la planche.

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