La Commission sur la touche

9 janvier 2011

Commentaire du rapport sur la gouvernance économique européenne remis au président de la République jeudi dernier, 6 janvier 2011.

À la demande du président de la République, « un chemin pour un "pilotage économique européen" » a été tracé par Constance Le Grip et Henri Plagnol, respectivement député au Parlement européen et député du Val-de-Marne. Leur rapport reprend moult propositions ouvertement soutenues par Paris, sinon d'ores et déjà mises en œuvre par l'Union ou ses États membres. En marge des banalités, on relève un appel à développer les capacités d'emprunt de Bruxelles, un plaidoyer en faveur d'une gestion commune des dettes souveraines, et la volonté de réviser en profondeur le budget communautaire.

Tétanisés par « une montée inquiétante [...] des mouvements populistes et nationalistes dans l'ensemble de l'Union », les rapporteurs préviennent « que le gouvernement économique européen n'est pas le cheval de Troie du fédéralisme ». « Au cœur de notre problématique », expliquent-ils, « il y a la défiance des peuples et des États vis-à-vis de l'Union ». Arguant de « la complexité institutionnelle de l'Union » (qui s'avère davantage affectée par son originalité en réalité), ils martèlent que « seul le Conseil européen constitué des chefs d'État et de gouvernement peut impulser une dynamique efficace ». Considérant que « l'Union n'a de raison d'être que si les États membres ont des intérêts communs à défendre dans la nouvelle donne mondiale », ils proclament que « c'est évidemment le Conseil européen qui est la seule instance légitime pour définir ces intérêts et décider de la meilleure stratégie pour les promouvoir » - cela en dépit des traités selon lesquels « la Commission promeut l'intérêt général de l'Union et prend les initiatives appropriés à cette fin ». L'implication de la Commission est contestée jusque dans ses missions les plus traditionnelles : ainsi les rapporteurs préféreraient-ils confier à un "Conseil des sages", créé à cet effet, la surveillance des écarts de compétitivité et la responsabilité d'identifier « des seuils de divergence acceptables ou non en matière salariale ou sociale ».

S'agit-il d'un tournant ? Pas vraiment. Comme le rappellent Constance Le Grip et Henri Plagnol, « sous la pression de la crise, la répartition des rôles a [...] changé ». Sans doute la personnalité des dirigeants européens et l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne ont-ils également contribué à renforcer le poids du Conseil européen. En pleine controverse autour des Roms, alors qu'il était encore secrétaire d'État en charge des Affaires européennes, Pierre Lellouche aurait tenté de justifier, auprès de notre confrère Jean Quatremer, la défiance de Paris à l'égard de l'Europe communautaire. L'Élysée ayant commandité ce rapport, celle-ci se trouverait-elle délibérément confirmée ?

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