La dette vendue aux enchères

14 janvier 2011

Comment les obligations d'État sont-elles placées sur les marchés financiers ? Isabelle Couet lève le voile sur  des procédures méconnues. Extraits d'un article publié par Les Échos le 13 janvier 2010.

Les États ne sont pas des émetteurs comme les autres. [...] Ils ont donc instauré une procédure spécifique pour placer leurs titres auprès des investisseurs du monde entier : l'"adjudication". C'est « une enchère auprès des banques partenaires », résume l'Agence France Trésor (AFT), en charge des émissions pour le gouvernement français. Les agences de la dette ou Trésors nationaux se constituent un réseau d'intermédiaires, aussi appelés spécialistes en valeurs du Trésor (SVT), qui participent aux enchères de titres d'État pour eux-mêmes et leurs clients. Ils sont les seuls habilités à le faire.

L'AFT compte vingt banques partenaires. « Pour garantir la sécurité des adjudications, les SVT sont contraints d'acquérir un montant minimal de 2 % sur chaque souche obligataire et sur chaque adjudication », expliquait Philippe Mills, le patron de l'agence, lors d'une audition à l'Assemblée, en septembre. En d'autres termes, il y a toujours des acheteurs aux enchères. [...] Si ce système garantit une demande, il n'empêche pas les taux de grimper pour l'État émetteur si la situation devient plus tendue. Les banques partenaires exigent des rendements plus élevés pour acheter les titres.

Les États ont aussi parfois recours à la syndication, comme les entreprises. Un petit groupe de banques (le syndicat) est mandaté pour organiser une vente aux investisseurs via un carnet d'ordres (dans lequel chacun inscrit la quantité voulue et les prix qu'il offre). Ce système est beaucoup moins utilisé et n'est pas annoncé publiquement à l'avance, contrairement aux adjudications, qui ont lieu selon un calendrier prédéterminé.

Les syndications sont privilégiées pour le lancement de nouveaux titres, par exemple ceux de la Commission européenne pour le sauvetage de l'Irlande, de nouvelles maturités, etc. Elles sont aussi nécessaires quand les tensions atteignent des niveaux insoutenables sur les marchés et que chaque levée de dette doit se préparer avec l'appui de tous les investisseurs, et pas seulement les banques partenaires. Ce système est jugé plus révélateur de l'appétit réel des investisseurs, car le carnet d'ordres est dévoilé. C'est pourquoi, la prochaine syndication d'un État de la zone euro sera surveillée de très près.

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