L'euro sur la sellette

20 janvier 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Malmenée par la crise des dettes souveraines, la monnaie unique suscite des prises de positions ambiguës, où s'entremêlent parfois les arguments chers à chacun des "camps" souverainiste et européiste.

28 % des Français souhaiteraient en finir avec l'euro, selon un sondage Ifop réalisé pour France Soir les 5 et 6 janvier. Bien que cette proportion soit en recul par rapport à novembre, un tabou a manifestement été brisé. Emmanuel Todd s'en félicite : « L'acquis du dernier trimestre de 2010, c'est qu'on est arrivé au bout de la croyance en l'euro comme horizon spécifique pour l'Europe », a-t-il déclaré, pariant sur la disparition de la monnaie unique sous sa forme actuelle d'ici la fin de l'année (Le Soir, 04/01/2010).

Deux opposants résignés

Sur la rive droite du souverainisme, Nicolas Dupont-Aignan s'en donne à cœur joie ; à gauche, en revanche, Jean-Pierre Chevènement se montre timoré : « Je ne propose pas de sauter par le hublot », a-t-il expliqué (France Inter, 06/01/2010). Rendant hommage à Philippe Séguin, Henri Guaino a tenu un discours similaire, soutenant que ce dernier « avait tout anticipé, tout prévu, et notamment qu'une fois que ce serait fait, il serait impossible de revenir en arrière » (Les Échos, 06/01/2011). Selon le "conseiller spécial" de Nicolas Sarkozy, en effet, « sortir de l'euro aurait un coût colossal ». Allusion, peut-être, au renchérissement de la dette – libellée en euros – qui résulterait de l'adoption d'une monnaie dévaluée.

Quoi qu'il en soit, selon la "vulgate médiatique" dont le président de la République se fait ici l'apôtre, « on ne peut avoir une même monnaie et partager des stratégies économiques différentes », ni « parler convergence économique sans convergence des systèmes fiscaux » (Euractiv, 13/01/2010). Outre les souverainistes, des libéraux contestent cette "surenchère européiste", tel Alain Madelin, pour qui « de telles propositions, si elles étaient suivies, conduiraient assurément à l'explosion et de l'euro et de l'Europe ». « Il est chimérique d'imaginer un budget fédéral européen organisant des transferts financiers massifs pour compenser les différences de compétitivité », proclame l'ancien ministre de l'Économie. « Tout comme il est chimérique de vouloir forcer la solidarité par l'émission d'obligations européennes communes. » Quant au projet d'harmoniser les politiques fiscales et sociales « au travers d'un gouvernement économique », il se heurte, selon lui, « tant à l'exigence de souplesse et de concurrence de la zone euro qu'à la nécessité de faciliter les ajustements des différences nationales par des variations relatives de prix et des politiques budgétaires autonomes ».

Flatter l'opinion

De son côté, le Premier ministre cultive l'ambiguïté, arguant de son passé eurosceptique pour légitimer son discours : « N'ayant pas voté pour le traité de Maastricht, je crois [...] ne pas pouvoir être suspecté de dogmatisme en la matière », a-t-il déclaré en présentant ses vœux à la presse. « Cette crise n'est pas la crise de l'euro », a-t-il assuré, prenant le contre-pied d'Alain Bournazel (suivre ce lien). « C'est avant tout la crise de pays qui ont été affaiblis par la récession économique qui a révélé et qui a amplifié les lacunes de leurs modèles de croissance. » François Fillon en viendra-t-il à fustiger l'État-providence ?

Pour l'heure, cet écho à la campagne de Maastricht semble participer d'un positionnement plus général de l'exécutif, soucieux, sans doute, de flatter une opinion publique critique à l'égard du "machin européen", mais soumis, également, à la pression des circonstances, les périodes de crise soulignant, inévitablement, la faiblesse des mécanismes communautaires. « Si la volonté politique [...] est bien présente, "l'esprit européen" ne l'est toujours pas », déplorait récemment notre confrère Éric Le Boucher (Les Échos, 14/01/11). Sont-ils seulement compatibles ?

Un commentaire pour "L'euro sur la sellette"

  1. Catoneo

    Le 20 janvier 2011 à 11 h 38 min

    L'euro est la pierre de touche qui révèle l'alchimie de la gabegie inhérente à la social-démocratie latine.
    Ce devait être une contrainte de bonne gestion, ce fut une facilité d'endettement à taux bonifiés.
    Jeter l'euro, c'est tuer ce qui reste d"économie ici. Aucun entrepreneur de ce pays n'y songe mais beaucoup de suceurs de roue du secteur non marchand en font un fromage. Les fainéants sont pour l'abandon de l'euro. On va citer des noms 🙂 à commencer par l'âne Bournazel.

Laissez un commentaire