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21 avril 2011

Du poids de la dette et du rapport aux marchés... Rebond sur le dernier éditorial de L'Action Française 2000.

« L'heure est au nationalisme », annonce François Marcilhac à la une de L'Action Française 2000 (n° 2815 du 21 avril 2011). Cela « plus que jamais », au moment où le gouvernement, « sous prétexte d'équilibre des finances publiques », tenterait de placer la France sous le tutelle des agences de notation – allusion au projet de loi constitutionnelle examiné ces jours-ci par l'Assemblée nationale.

C'est exagérer, nous semble-t-il, la portée de la réforme envisagée. Cela étant, quelle qu'en soit la nature, c'est manifestement son motif qui indispose notre éditorialiste : loin de prôner une rigueur exemplaire, le gouvernement prétend néanmoins assainir les finances publiques ; c'est là que le bât blesse.

À l'opposé des « mondialistes », François Marcilhac se range parmi « les partisans de l'indépendance des nations face aux marchés ». Discours éminemment convenu, dont les auteurs croient généralement se parer de vertus morales quand ils se fourvoient dans un snobisme dérisoire. Méprisant la finance, ils disent vouloir en émanciper l'État. Ce serait, sans nul doute, le priver d'un irremplaçable levier d'investissement. On reconnaît ici un travers typique du souverainisme, négligeant la puissance au nom d'une indépendance fantasmée.

Hélas, faute de solliciter les marchés à bon escient, la République a contracté une dette dont l'ampleur est devenue telle – 85 % de la richesse nationale produite en un an – que les responsables politiques se trouvent désormais au pied du mur. Alors qu'elle jouit d'un statut privilégié sur les marchés obligataires, la France pourrait perdre la confiance de ses créanciers, au risque d'alourdir le poids de sa dette, dont la charge – c'est-à-dire le remboursement des seuls intérêts – représente d'ores et déjà le deuxième poste budgétaire de l'État. Faudrait-il précipiter la nation vers la banqueroute en vertu de quelque principe fumeux ?

Le gouvernement se livre, incontestablement, à une opération de communication financière. Mais on aurait tort de traiter son action avec dédain car, en pratique, elle contribuera peut-être à rendre quelque souffle à un État menacé d'étranglement budgétaire. C'est abuser le gogo que de blanchir les politiques en faisant porter le chapeau à Moodys and co. Le système de notation financière présente certes des faiblesses, dont la recension semble d'ailleurs faire l'objet d'un large consensus. Les agences n'en remplissent pas moins une fonction indispensable : en leur absence, faute de pouvoir s'appuyer sur une évaluation des risques, les créanciers imposeraient vraisemblablement des taux supérieurs aux États emprunteurs.

Dans l'immédiat, pour le meilleur ou pour le pire, il n'est pas possible de faire tourner la planche à billets. Et si d'aventure le franc était rétabli, la dette contractée jusqu'alors s'en trouverait renchérie. Va-t-on la dénoncer ? Libéré du joug communiste, d'aucuns s'y seraient essayés avec succès. Le jeu s'avère toutefois dangereux. Mieux vaudrait identifier l'ensemble des dominos avant de s'amuser à pousser le premier – vaste programme ! Quoi qu'en disent les démagogues, dont la propagande personnifie dans quelques figures cupides les multiples ramifications du système financier, c'est tout un chacun qui finirait par payer les frais de sa faillite. Peut-être la complexité des interdépendances est-elle préjudiciable au bien commun. Mais le cas échéant, plutôt que de mettre le feu à la toile, il appartiendrait au politique de la détricoter méticuleusement. Patiemment et sans fracas. Ne s'agirait-il pas d'un travail capétien ?

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