Le quinquennat part en quenouille

26 juin 2011

Chronique enregistrée pour RFR le vendredi 17 juin 2011.

À l'approche de l'élection présidentielle, c'était hélas prévisible, le quinquennat part en quenouille. Je sais que tous les royalistes ne sont pas sensibles aux nuances de la politique républicaine. Cela dit, il y encore quelques mois, avec un peu d'efforts, certes, on pouvait deviner un cap. En matière de politique extérieure et de défense, par exemple, le président de la République semblait décidé à rompre avec l'anti-américanisme de façade. Pourtant, en novembre dernier, il a nommé un néo-gaulliste à l'Hôtel de Brienne, avant de l'envoyer au Quai dOrsay.

C'est dans le domaine de la fiscalité que l'inconséquence apparaît tout particulièrement patente. Philippe Mabille l'a souligné dans La Tribune le mois dernier : « Le quinquennat a commencé sur la valeur travail, le bouclier fiscal et l'affirmation d'une fiscalité récompensant le mérite, l'effort et la réussite. » Dorénavant, la majorité envisage une taxation supplémentaire des hauts revenus, tandis que Xavier Bertrand propose d'encadrer des rémunérations jugées « extravagantes ». « Jamais la fiscalité française n'a connu, sous un même gouvernement qui plus est, une telle instabilité et un tel manque de cohérence stratégique », poursuit notre confrère.

Selon lui, « le projet de contribution sur les très hauts revenus [...] est perçu comme un très mauvais signal par tous les créateurs d'entreprise et tous les cadres supérieurs internationaux. Nous sommes là, on l'a déjà vu avec les artistes (Johnny n'est jamais revenu) et les joueurs de football, dans le cœur du réacteur de la mondialisation : que cela plaise ou non, il y a une "élite" française, très mobile, très réactive sur la question des impôts, qui est prête à préférer l'exil plutôt que d'accepter de se voir tondre par un pays que beaucoup considèrent comme foutu. Et voir même Nicolas Sarkozy, celui en qui ils avaient placé en 2007 tous leurs espoirs de rupture, céder, pour des raisons purement électoralistes, aux tentations démagogiques, pour ne pas dire "gauchistes" de l'opinion médiatique, les rend encore plus furieux... et inquiets, alors que la perspective d'un nouveau tour de vis fiscal se précise pour l'après-2012. » Fin de citation.

Le rétropédalage s'avère pire que l'immobilisme, en cela qu'il sape la crédibilité du politique et participe d'un climat d'instabilité peu propice à la croissance. La CGPME a identifié quarante priorités à présenter au gouvernement. Quelle est la première d'entre elles, aux yeux de son président Jean-François Roubaud ? « Ne pas changer en permanence les règles du jeu. » C'est la réponse qu'il a donnée aux Échos dans un entretien publié jeudi dernier. À tort ou ou à raison, la fiscalité française est jugée peu attractive par les chefs d'entreprise européens. La France arrive même en queue du classement réalisé par Ipsos pour la Chambre de commerce et d'industrie de Paris. La confusion entretenue par le gouvernement ne contribuera pas à redorer cette image.

En revanche, peut-être cela fera-t-il évoluer celle du chef de l'État, passant du président "bling-bling" à celui du pouvoir d'achat. Cela nous ramène à cette mesure aberrante censée indexer une prime salariale sur l'évolution des dividendes versés aux actionnaires. En s'attaquant aux dividendes – à ne pas confondre avec les bénéfices ! – l'exécutif prend le risque de dissuader les entreprises d'actionner un levier propice à la fidélisation des actionnaires. Le capital étant rendu plus volatil, il se trouvera d'autant plus facilement livré aux spéculateurs. Des spéculateurs tout récemment érigés par Nicolas Sarkozy en ennemis jurés ! Bonjour la cohérence.

Mardi dernier, lors d'une conférence sur les matières premières, le président de la République a tacle un José Manuel Barroso jugé trop timoré. Le président de la Commission européenne a pourtant posé de bonnes questions. « Une meilleure régulation est sans aucun doute nécessaire », a-t-il déclaré. « Mais dans quelle mesure faut-il plus ou moins de régulation ? », s'est-il demandé. « Comment s'assurer que la régulation permette effectivement le bon fonctionnement des marchés, avec suffisamment de liquidités, la transparence nécessaire pour un mécanisme de formation des prix efficace, une allocation optimale des risques et, en bon français, un "level playing field" afin que les participants ne soient pas tentés d'aller vers des zones moins régulées du marché ? »

Peut-être faudrait-il songer à tirer quelque enseignements de la crise. Le président de la République flatte l'opinion en agitant la régulation à tout va. Encore faut-il l'appliquer à bon escient. On en mesure la perversité potentielle, par exemple, avec les mécanismes pro-cycliques à l'œuvre dans la crise des dettes souveraines. En effet, l'influence excessive des agences de notation résulte directement des règles édictées par les gouvernements. Reste qu'un consensus transpartisan semble le taire. Alors que le "politique d'abord" demeure d'actualité, son ignorance s'annonce comme un biais majeur des débats de la campagne présidentielle.

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Un commentaire pour "Le quinquennat part en quenouille"

  1. Catoneo

    Le 2 juillet 2011 à 11 h 04 min

    Tous les Etats démocratiques en difficultés graves régulent pour conserver leurs clients. Seuls les Etats monocratiques ou autoritaires peuvent déréguler et relancer la machine par la libération des idées novatrices et des énergies de mise en oeuvre.
    Mais un pays comme la France qui punit le succès par idéologie est aujourd'hui un pays foutu. Aucun, je dis bien aucun, de mes copains qui se sont expatriés n'est jamais revenu, sauf épisodiquement pour revoir ou enterrer ses parents. Et les questions que je pose à ceux que je revois parfois n'abordent jamais leur retour. C'est clair.

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