Crise de la dette : la solidarité mise à mal

1 septembre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Soumis aux pressions des opinions publiques, les gouvernements européens se montrent incapables de parler d'une seule voix, révélant la fragilité d'une illusoire solidarité budgétaire.

L'euro a-t-il été créé dans la précipitation ? C'est, apparemment, l'opinion du président de la République. Le 16 aout , à l'issue d'une rencontre avec le chancelier allemand, il a déploré que la monnaie unique ait été établie « sans prévoir au préalable l'harmonisation des compétitivités » – tâche à laquelle il prétend désormais s'atteler. À moyen terme, un impôt sur les sociétés harmonisé de part et d'autre du Rhin pourrait symboliser la convergence accrue des économies européennes.

Une intégration ambiguë

Chantre de l'"intégration", Nicolas Sarkozy se défend néanmoins de toute velléité fédéraliste : « L'Europe des vingt-sept et bientôt des trente [...] ira de plus en plus vers la confédération », a-t-il annoncé. La nature du futur « gouvernement économique » de la zone euro pourrait le confirmer – du moins formellement : selon le vœu de Paris et Berlin, en effet, cette responsabilité ne serait pas confiée à la Commission européenne, mais à la réunion des chefs d'État ou de gouvernement. Quant à la mutualisation des dettes publiques, elle apparaît pour l'heure exclue. « Cela consisterait à garantir par [notre] triple A la dette de tous les pays de la zone euro », a expliqué le chef de l'État. « Cela voudrait donc dire que nous garantirions la totalité de la dette sans avoir la maîtrise de la dépense et de la création de la dette », a-t-il prévenu.

Or la priorité est donnée au respect de la discipline budgétaire, que serait censée garantir l'adoption, d'ici l'été 2012, d'une "règle d'or" par les dix-sept États membres de la zone euro. En vertu d'une telle disposition, les lois de finance annuelles seraient soumises à un objectif de retour à l'équilibre budgétaire. « Cela ne dépend pas que du droit européen », a souligné Angela Merkel. « Inscrire cela dans son droit national, c'est la meilleure façon de nous engager », a-t-elle déclaré. D'autant qu'en cas de manquement « la plus grande sanction ne viendrait pas [...] de la Commission mais de l'intérieur ».

Hochet présidentiel

Un consensus transpartisan vient d'être négocié en Espagne afin de modifier la constitution en ce sens. En France, « un certain nombre de personnalités qui n'appartiennent pas à la majorité ont déjà fait savoir qu'[elles] étaient favorables à l'adoption de cette règle », a assuré le président de la République. Peut-être se feront-elles davantage entendre après la primaire socialiste ? À l'approche de l'élection présidentielle, la tentation est d'autant plus grande d'instrumentaliser le débat. Y compris à droite, où l'on pourrait fort bien s'accommoder de l'opposition socialiste, censée souligner, par contraste, le sens des responsabilités propre à l'UMP.

C'est dire combien les calendriers électoraux et autres calculs politiciens interfèrent dans les négociations internationales. Au risque de faire capoter les tentatives de résolution de la crise des dettes souveraines. « Devoir mettre la main à la poche pour sauver la Grèce endettée ne semble faire ni chaud ni froid aux Français », constatait le Courrier international en juillet dernier. En fait, ils feraient « rarement le lien entre l'argent du gouvernement et leur impôt », selon The Economist. Quoi qu'il en soit, comme le rappelait le magazine britannique, « chez tous les autres pays créditeurs de la zone euro [...], le coût de ces sauvetages a fait l'objet de débats animés ». Confronté à la pression des Vrais Finlandais, Helsinki s'est distingué en exigeant d'Athènes des garanties bilatérales en échange de sa participation au plan de soutien présenté le 21 juillet. « Dès le lundi 22 août, Moody's a expliqué que "l'accord entre la Grèce et la Finlande, en lui-même de faible ampleur, n'en est pas moins très significatif" », rapporte Euractiv. « La solidarité européenne ne serait ainsi pas sans faille. » En dépit de l'interdépendance des économies, autant dire qu'elle repose sur du sable !

Controverse à Francfort

Alors que les emprunts d'État rachetés par la Banque centrale européenne dépassent désormais les 100 milliards d'euros, La Tribune signale que le président de la République fédérale d'Allemagne, Christian Wulff, a fustigé une pratique « contestable juridiquement ». Quant à la Bundesbank, si l'on en croit Les Échos, elle aurait critiqué « avec une ardeur peu commune » l'esquisse d'une solidarité budgétaire européenne. Celle-ci est accusée d'affaiblir « les fondements de la responsabilité budgétaire en zone euro et la discipline des marchés de capitaux, sans qu'en contrepartie les possibilités de contrôle et d'influence sur les politiques financières nationales aient été sensiblement renforcées ». La cacophonie aidant, les tensions semblent appelées à durer sur les marchés obligataires.

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