Recherche & Développement en sursis

6 octobre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que plane le spectre d'une délocalisation des activités de recherche et développement (R&D), le crédit impôt recherche (CIR) confirme son succès.

La France décroche dans la course à l'innovation mondiale, rapportent Les Échos. Selon une étude publiée jeudi dernier, 27 septembre, par la Business Software Alliance, elle a perdu quatre places au classement mondial de la compétitivité dans les technologies de l'information. Les infrastructures ne seraient pas en cause. Quant à l'environnement légal, il s'améliorerait « avec des avancées dans le domaine de la signature électronique, de la confidentialité des données et de la législation sur la cybercriminalité ». En revanche, soulignent nos confrères, la France accuse un certain retard « au niveau des investissements en R&D, mais aussi du capital humain » : alors que dix mille créations d'emploi sont annoncées cette année dans l'informatique par le Syntec Numérique, les entreprises craignent de ne pouvoir subvenir à leurs besoins en main d'œuvre.

Des effectifs en hausse

C'est une inquiétude récurrente, dont Philippe Adnot, sénateur non inscrit de l'Aube, s'était fait l'écho dans un rapport présenté l'année dernière. Cela étant, au regard des effectifs alloués, les activités de recherche et développement auraient régulièrement augmenté entre 2000 et 2008. En la matière, « il n'existe pas de mouvement global de délocalisation », soutient le parlementaire. Sur la même période, les entreprises n'en auraient pas moins accru leur présence à l'étranger, où le nombre de centres français de R&D aurait augmenté de 20 %. Ce phénomène résulterait, pour partie, des héritages consécutifs à des fusions-acquisitions. Mais aussi de la volonté de s'adapter aux spécificités locales, voire d'optimiser les ressources à l'échelle mondiale : « Cette vision [...], relativement ancienne dans le secteur des télécoms, a été reprise par EADS en 2006. De même, plus récemment, Sanofi Aventis, après avoir annoncé la rationalisation de sa R&D en 2009, a conclu au cours de l'année 2010 plusieurs partenariats avec des organismes renommés dans le cadre d'une stratégie d'excellence mondiale centrée sur des sujets encore non traités par l'entreprise. » Quant à la réduction des coûts, sans nul doute escomptée, « elle n'a pas été à ce jour pleinement vérifiée » selon le rapporteur, dont les interlocuteurs ont souligné « les coûts liés au turn-over important des ingénieurs dans certains pays, les coûts de traduction, les coûts de reconstitution du savoir ».

Le poids de l'étranger

Quoi qu'il soit, dans une économie internationalisée, il s'avère délicat d'apprécier les flux de R&D. Témoin, cette coïncidence survenue à la rentrée 2010 : « Le 15 septembre 2010, Renault inaugurait en Roumanie un nouveau centre technique dédié à la mise au point des véhicules et des organes mécaniques de la plateforme Logan. Six jours auparavant, le P-DG de Google, Éric Schmidt, annonçait la création en France d'un centre de recherche et développement (R&D) pour l'Europe qui recruterait prioritairement dans les écoles et les universités françaises dont l'excellence en mathématiques est reconnue. » De fait, remarque  Philippe Adnot, « les entreprises étrangères financent une part non négligeable de la dépense intérieure en R&D » : 20,8 % en 2007 et 22,2 % en 2008, contre 13 % aux États-Unis, 17 % en Finlande et 5 % au Japon ; entre 2007 et 2008, la part des dépenses intérieures de R&D des filiales sous contrôle étranger a même augmenté de plus de 11 %.

Les plus optimistes y verront, certes, le signe d'une attractivité renforcée par le succès du crédit impôt recherche. À l'issue d'une enquête menée auprès de sociétés réputées innovantes, Alma Consulting Group a confirmé, selon le résumé des Échos, que « pour la majorité des entreprises françaises, le CIR a bel et bien un effet de levier sur l'emploi en R&D : 39 % ont renforcé leurs équipes de chercheurs de 50 %, et même doublé leurs effectifs dans 22 % des cas. Autre effet positif : 38 % des sociétés déclarent avoir augmenté de 50 % le nombre d'innovations commercialisées, et 24 % ont lancé deux fois plus de produits innovants sur le marché. De nouvelles offres qui ont généré une augmentation de chiffre d'affaires de 50 % pour une entreprise sur trois, et même de 100 % pour une sur quatre. »

Toutefois, on ne saurait se contenter de ces chiffres. D'autant que, dans les années à venir, les entreprises conduiront probablement un audit sur la localisation de leurs centres de R&D, prévient le sénateur de l'Aube. « À cet égard », remarque-t-il, « plus ces centres seront intégrés à un écosystème d'innovation dynamique, et plus il sera onéreux pour l'entreprise de modifier la géographie de sa R&D ». Ou comment enraciner l'activité sous les vents de la mondialisation.

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