Bruxelles veille sur Schengen

7 juin 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Annoncée bruyamment sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la réforme de l'espace Schengen est discutée ces jours-ci, sous la houlette d'une Commission européenne avide de nouveaux pouvoirs.

Draguant dans les eaux du Front national, Nicolas Sarkozy l'avait martelé durant sa campagne électorale : « Il n'est pas question que nous acceptions de subir les insuffisances de contrôle aux frontières extérieures de l'Europe. » Depuis, l'agitation médiatique s'est assagie, mais la réforme de l'espace Schengen demeure en discussion. La question figurait à l'ordre du jour des ministres de l'Intérieur de l'Union européenne, appelés à se réunir à Luxembourg le jeudi 7 juin 2012.

Dysfonctionnements criants

Mises sur la table en septembre dernier, les propositions de la Commission européenne portent, d'une part, sur les conditions d'évaluation de Schengen et, d'autre part, sur les modalités de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l'UE. Deux domaines dans lesquels Bruxelles entend accroître son influence, aux dépens des gouvernements qui rechignent à lui céder leurs responsabilités. « En cas d'urgence nécessitant une réaction immédiate (une attaque terroriste, par exemple), les États membres pourraient certes toujours prendre des décisions unilatérales pour réintroduire les contrôles », résume un rapport du Sénat, « mais seulement pour une période ne dépassant pas cinq jours, après quoi une décision au niveau de l'UE serait prise, sur proposition de la Commission, afin d'autoriser une éventuelle prorogation ». Dans une lettre adressée le 19 avril à la présidence danoise de l'UE, Paris et Berlin réclamaient, entre autres, que ce délai soit porté à trente jours. Quant aux flux migratoires, ils ne constitueraient pas en eux-mêmes « une menace pour la sécurité », selon la Suédoise Cecilia Malmström, commissaire européen aux Affaires intérieures. « Il en résulte un certain paradoxe » relevé par la Chambre haute : « Le phénomène à l'origine de la réforme se retrouve à la marge de la proposition de la Commission, dans un simple considérant. »

Par conséquent, s'il était franchi, ce pas supplémentaire en direction du fédéralisme ne répondrait pas, nous semble-t-il, aux dysfonctionnements les plus criants de l'espace Schengen. « Lorsqu'un migrant ne réunit pas les conditions pour voyager dans l'espace Schengen, l'État membre qui délivre un titre de séjour (temporaire) devrait opter pour la délivrance d'un titre de séjour (provisoire) qui ne soit pas équivalent à un visa Schengen de court séjour », souligne timidement la Commission. Sans trop se mouiller, celle-ci considère que « les États membres devraient informer les titulaires de ces documents, d'une façon appropriée et efficace, des conditions auxquelles ils peuvent (ou ne peuvent pas) voyager dans l'espace Schengen ». L'année dernière, alors que des migrants affluaient en provenance de Tunisie ou de Libye sur l'île de Lampedusa, l'Italie leur aurait accordé des visas avec une certaine légèreté, les autorisant à traverser les Alpes en toute légalité...

La Grèce inquiète

Aux frontières extérieures de l'espace Schengen, la pression « se concentre sur un nombre limité de points sensibles, en particulier l'axe de la Méditerranée orientale qui passe par la Turquie et la Grèce », souligne la Commission. Au cours du dernier trimestre de 2011, près de 30 000 franchissements irréguliers ont été repérés aux frontières extérieures, dont environ 75 % sur cet axe. « À la suite des graves insuffisances identifiées en Grèce, la Commission considère que les efforts fournis, notamment en ce qui concerne le contrôle des frontières terrestres et maritimes extérieures, doivent rester une priorité. » En janvier dernier, le Sénat s'était alarmé de la situation, déplorant que l'accord de réadmission entre la Turquie et la Grèce ne soit pas mis en œuvre en raison de la persistance du conflit chypriote. « Or, si la plupart de ces migrants sont appréhendés, les conditions de rétention en Grèce sont tellement mauvaises, les procédures de traitement des demandes d'asile et de refoulement si insatisfaisantes, que ces personnes doivent être relâchées. » Elles seraient  souvent appréhendées à nouveau dans le cadre d'une opération organisée par Frontex à un stade ultérieur de leur parcours, généralement dans les Balkans.

Les déboires politico-financiers rencontrés par Athènes n'invitent guère à l'optimisme. « Plusieurs pays prépareraient la réintroduction des contrôles aux frontières dans le cas d'une situation d'urgence en Grèce », rapporte le site Internet Presseurop, citant un quotidien autrichien. « Rappelant le cadre juridique des accords de Schengen, le Standard précise que "contrairement à la très débattue sortie de la zone euro [...], la fermeture des frontières avec la Grèce par ses partenaires ne poserait pas de problèmes". » Qu'importe la légalité de telles mesures au regard du droit européen : nécessité fait loi.

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