Du patriotisme à compte d'autrui

12 septembre 2012

Rebond sur l'"affaire" Bernard Arnault.

Le bannissement prôné par Libération suffira-t-il à punir pareille traîtrise ? On s'étonne que Marine Le Pen n'ait pas réclamé la guillotine. Bernard Arnault l'aurait pourtant méritée : ce type est plein aux as ! Aussi se trouve-t-il dans l'impossibilité de prêcher la générosité à compte d'autrui – l'apanage des patriotes.

Ceux-ci s'en donnent à cœur joie ces temps-ci. On se souvient du tollé qu'a provoqué le Syndicat des transports d'Île de France, après la conclusion d'un appel d'offres lancé pour la gestion d'un centre d'appel. Écarté au profit d'un concurrent opérant depuis l'étranger, la société Webhelp est aussitôt montée au créneau, « au nom de l'intérêt général », avec la bénédiction quasi unanime de la classe politique. Cela par la voix de son coprésident Frédéric Jousset, qui s'était jadis vanté de contribuer au développement de la francophonie... à la faveur des délocalisations. De fait, son entreprise est implantée en France, mais aussi en Roumanie, en Algérie et au Maroc. C'est donc un chantre typique du patriotisme économique.

De quoi s'agit-il, en effet, sinon d'instrumentaliser quelque hantise populaire aux dépens du bien commun ? Dans les méandres du tissu économique, distinguer l'intérêt national s'avère éminemment complexe. Prétendre y parvenir, voilà qui devrait nous sembler suspect. D'ailleurs, les charlatans qui s'y risquent se gardent bien d'évaluer le "coût d'opportunité" des mesures qu'ils préconisent. Or, protéger la sidérurgie nationale, par exemple, cela revient à pénaliser l'industrie automobile consommatrice d'acier. Dans ces conditions, comment l'État pourrait-il rendre un arbitrage légitime ?

À moins qu'une industrie menacée relève d'une capacité critique, aux applications militaires, mieux vaut promouvoir l'allocation optimale des ressources nationales, au bénéfice de la productivité du pays. Tel est le gage de sa prospérité à long terme, n'en déplaise aux inquisiteurs s'arrogeant le droit de sonder les cœurs, quitte à saper les fondements du patriotisme authentique qui, peut-être, y réside en secret.

NB – Quelques images valant mieux qu'un long discours, nous renvoyons nos lecteurs à l'illustration accompagnant ce billet, extraite d'un ouvrage de Daniel Tourre, Pulp libéralisme, éditions Tulys, avril 2012, 236 p., 34 euros (22 euros pour la version noir et blanc).

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