L'illusoire TVA sociale

15 novembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Mesure phare du "pacte de compétitivité" présenté par Jean-Marc Ayrault, le crédit d'impôt promis aux entreprises est un succédané de la "TVA sociale" promue par la majorité précédente afin d'enrayer les délocalisations.

François Hollande et son gouvernement pratiquent le reniement avec une remarquable habileté. Tant mieux, aux yeux du patronat : abrogée par la nouvelle majorité, après avoir été votée par la précédente, la "TVA sociale" figure parmi les trente-cinq mesures du "Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi" présenté le 6 novembre 2012.

Projet alambiqué

D'une législature à l'autre, les modalités ont évolué ; le projet socialiste s'avère quelque peu alambiqué : la taxation accrue de la consommation devrait contribuer à financer non pas une baisse formelle des charges, mais une crédit d'impôt indexé sur la masse salariale des entreprises. De cette façon, explique notre confrère Vincent Collen, « les entreprises vont intégrer l'effet bénéfique dans leurs comptes dès 2013, alors que le coût pour les finances publiques n'interviendra qu'en 2014. Ce qui permet d'éviter toute mesure récessive supplémentaire l'année prochaine. » Par ailleurs, précise-t-il dans Les Échos, « le financement de la protection sociale n'est pas affecté, ce qui a permis à l'exécutif de trancher sans attendre les résultats d'une longue concertation ».

C'est un geste bienvenu à l'intention des entreprises, vis-à-vis desquelles le gouvernement avait manifesté peu d'égards jusqu'à présent. En outre, cette initiative semble participer de la mise en œuvre du "patriotisme économique" cher à M. Montebourg, étant donné que le transfert opéré pèsera notamment sur les produits importés. L'économie nationale pourrait en tirer profit... à moins que nos compatriotes renoncent à l'achat de quelque produit "made in France" pour compenser le surcoût de leur téléviseur fabriqué en Corée. Concrètement, selon l'estimation de notre confrère Yann Philippin, calculée pour Libération, « le dispositif ferait chuter le prix de revient d'une [Peugeot] 208 assemblée à Poissy (Yvelines) de seulement 1,3 % ». Pas de quoi bouleverser la donne.

La France hors jeu

Selon un rapport du Sénat, « à la fin de 2009, le coût de la main d'œuvre roumaine ou bulgare était dix fois moins élevé qu'en France, celui de la Pologne et de la Slovaquie cinq fois moins élevé et celui du Portugal ou de la Grèce respectivement trois et deux fois moins élevé que celui de la France ». Dans ces conditions, il serait illusoire de vouloir affronter les pays "à bas coûts" sur leur propre terrain. Autant vider l'océan à l'aide d'une cuillère à café ! Taxé d'immobilisme, soucieux de répondre à la hantise des délocalisations, la peur du plombier polonais, la terreur de l'invasion chinoise, le gouvernement s'y essaie néanmoins, timidement. Au risque, selon nous, d'entretenir un certain défaitisme, nourri d'une conception malthusienne de l'emploi – celle d'un gâteau que nous devrions nous résoudre à partager, plutôt que de nous mettre aux fourneaux. De fait, le coup de pouce gouvernemental sera découplé des plus hauts salaires. Alors que Louis Gallois proposait de fixer un seuil à 3,5 fois le Smic, celui-ci devrait être cantonné à 2,5 Smic. Patrick Kron, le P-DG d'Alstom, s'en désole : « Tout le monde s'accorde à dire que la France doit innover, monter en gamme », a-t-il rappelé à La Tribune. « Va-t-on monter en gamme avec des salariés payés au Smic ? Est-ce totalement logique et totalement cohérent ? »

Dévaluation fiscale

Quoi qu'il en soit, « une politique de compétitivité suppose une action dans la durée », comme l'a déclaré le président de la République. Thomas Philippon, professeur à l'université de New York, met en garde contre le recours aux "solutions miracles". « Croire que la France va régler son problème de compétitivité par la magie d'un transfert de charges sociales vers la CSG ou la TVA n'est pas réaliste », a-t-il déclaré à Acteurs publics. « D'un point de vue macroéconomique, une telle opération aura à peu près le même effet qu'une dévaluation. C'est-à-dire que l'avantage compétitif durera le temps que l'ensemble des prix et salaires s'ajustent. Ce n'est pas une solution structurelle. » Son analyse rejoint celle du FMI, selon lequel « transférer le coût des allégements de cotisations patronales vers les revenus [...] n'aurait probablement que des effets temporaires si elle n'est pas accompagnée par des gains de productivité qui permettent aux salaires réels de compenser progressivement la perte de pouvoir d'achat ». Les colonnes de L'Action Française 2000 sont ouvertes au débat sur les dévaluations. Un constat s'impose néanmoins : quoique les responsables politiques se disent déterminés à "sauver" l'euro, ils semblent nostalgiques des facilités que leur assurait le contrôle d'une monnaie nationale.

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