Université et langue française sous le vent de la mondialisation

21 février 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand les parlementaires se penchent sur l'ouverture des universités aux étudiants étrangers ou jugent menacée la pérennité de la langue de Molière.

Les universités françaises manqueraient-elles d'attrait aux yeux des étudiants étrangers ? Telle est, en tout cas, la conviction de Mme Dominique Gillot, sénateur PS du Val-d'Oise, auteur d'une proposition de loi censée remédier à cette situation. En dix ans, le nombre d'étudiants étrangers recensés en France aurait pourtant bondi de 40 %, atteignant deux cent trente-mille en 2010-2011. Cependant, « notre pays reste [...] en retard », déplore Mme Gillot. Devancée désormais par l'Australie, la France aurait été reléguée au quatrième rang de la compétition mondiale qui se jouerait en la matière.

Incohérences

« Notre politique [...] a été entachée d'incohérences », martèle le sénateur, qui pointe « une forte hésitation entre la volonté d'accueillir les meilleurs éléments et l'obsession du "risque migratoire" ». Tandis que ces jeunes gens seraient appelés à devenir « nos meilleurs ambassadeurs », il ne serait « ni dans l'intérêt des pays d'origine, ni dans le nôtre » de les renvoyer chez eux dès la fin de leurs études. Au contraire, plaide Mme Gillot, « c'est après au moins une première expérience professionnelle que ces diplômés pourront, à leur retour chez eux ou à l'international, mettre à profit les compétences acquises en France et en faire la promotion ».

En conséquence, elle propose que leur soient attribués des titres de séjour pluriannuels, dont la durée dépendrait de la formation suivie. Cela afin de « limiter les démarches administratives, souvent vexatoires, qui épuisent et précarisent les étudiants étrangers tout en encombrant inutilement les services préfectoraux ». Selon Mme Gillot, il conviendrait également de porter de six à douze mois l'autorisation provisoire de séjour, période pendant laquelle un étranger peut chercher un premier emploi après l'obtention de son diplôme. En outre, « pour éviter le choix souvent cornélien [...] entre le retour dans le pays d'origine ou une installation quasi-définitive dans notre pays », un « droit illimité au séjour en France » pourrait bénéficier aux titulaires d'un doctorat obtenu en France. Une mesure censée contribuer au développement d'une « coopération économique continue, enrichissante, sans pillage des cerveaux des pays émergents ». Reste à convaincre nos compatriotes, aux yeux desquels il y aurait déjà « trop d'étrangers en France »...

Anglais ou français au choix ?

Par ailleurs, Mme Gillot propose d'introduire une dérogation au code de l'éducation, lequel oblige à dispenser des cours en français. Déjà « contournée par de nombreux établissements », cette disposition constituerait « un obstacle au recrutement d'étudiants étrangers de qualité ». Toutefois, reconnaît le sénateur, on ne saurait s'en affranchir sans s'exposer aux foudres du Conseil constitutionnel. C'est pourquoi, au sein d'un même établissement, les étudiants devraient pouvoir « suivre les mêmes cursus en français et en langue étrangère ». Au risque qu'y soit instituée une certaine ségrégation ?

Quoi qu'il en soit, un tel projet devrait conforter dans sa démarche Jean-Jacques Candelier, député PC du Nord, auteur d'une proposition de résolution « tendant à la création d'une commission d'enquête sur les dérives linguistiques ». « Dans la publicité, les enseignes commerciales, la communication [...] des grandes entreprises et, désormais, dans l'enseignement secondaire et universitaire, on peut redouter que la langue de Molière disparaisse à brève échéance », prévient M. Candelier. Selon lui, « il y a urgence ». D'autant que « la dilapidation de la langue française se couple [...] avec la sape de l'héritage progressiste universel de notre pays, le démantèlement des acquis sociaux et des services publics, la destruction de l'indépendance nationale, avec l'adoption du traité de Lisbonne [...] et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), le sacrifice de la défense nationale dans l'Otan, la violation de la laïcité et la substitution de l'euro-régionalisation du territoire à la République une, laïque et indivisible issue de la Révolution ».

Ce discours n'est pas sans rappeler celui de l'ambassadeur Albert Salon... « L'internationalisme des travailleurs ne s'oppose pas au patriotisme populaire », soutient Jean-Jacques Candelier. Au contraire, « parce qu'il n'aspire qu'au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » (que nous contestons toutefois pour notre part), le « patriotisme populaire » s'opposerait, entre autres, « au cosmopolitisme capitaliste » ainsi qu'au « supranationalisme impérialiste ». Pour les pourfendeurs de la mondialisation, l'heure serait-elle à l'union sacrée ?

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