Bioéthique : débat embryonnaire à l'Assemblée
4 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000
L'obstruction parlementaire offre un sursis aux embryons humains : dans l'immédiat, ceux-ci continueront de ne pouvoir faire l'objet de recherches qu'à titre dérogatoire – au moins en apparence.
En février 2012, alors qu'il était en campagne, François Hollande avait annoncé que, s'il était élu président de la République, la loi encadrant les recherches sur l'embryon serait à nouveau révisée. Ce faisant, avait-il déclaré, « nous rattraperons notre retard sur d'autres pays et nous favoriserons le retour des post-doctorants partis à l'étranger » - notamment aux États-Unis, où la loi n'impose aucune restriction en la matière. Sa promesse semblait en passe d'être tenue : à cet effet, une proposition de loi devait être votée par l'Assemblée nationale mardi dernier, 2 avril. C'était compter sans la résistance de quelques députés UMP, qui ont noyé le texte sous une pluie d'amendements, empêchant son examen dans les délais impartis.
Ambiguïtés légales
Dans l'immédiat, la législation conservera donc ses ambiguïtés : si elle autorise la recherche sur l'embryon, c'est, formellement, à titre dérogatoire, quoique de façon pérenne – comme s'il fallait maintenir un interdit symbolique tout en s'en affranchissant dans les faits. Autant en finir avec l'hypocrisie ! C'était l'objet de la proposition de loi en débat, dont l'adoption aurait néanmoins constitué « un bouleversement éthique et juridique », selon Théophane Le Méné. De son point de vue, elle aurait entériné « la réification de la personne humaine, la suprématie de la technique sur l'homme et son asservissement à la logique utilitariste des laboratoires ». En effet, a-t-il expliqué sur Causeur, « le principe allait devenir l'exception et l'exception le principe ».
Aujourd'hui, trente-six équipes de recherche travailleraient, en France, sur des cellules embryonnaires. Elles y ont été autorisées par l'Agence de la biomédecine, avec la bénédiction des ministres chargés de la Santé et de la Recherche, mais aussi le consentement des individus à l'origine des "embryons surnuméraires" conçus in vitro dans le cadre d'une procréation médicalement assistées, les seuls pouvant faire l'objet de recherches au regard du droit. Avant d'agréer un protocole, les autorités sont censées s'assurer que soient réunies les conditions suivantes, résumées par Mme Dominique Orliac, député PRG du Lot, rapporteur du texte soumis à l'Assemblée : « la pertinence scientifique du projet de recherche est établie ; la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ; il est expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ».
La hantise des recours
Autant d'éléments dont l'appréciation est sujette à discussion. « S'il est vrai que les chiffres de l'Agence de biomédecine révèlent un véritable dynamisme de la recherche française en la matière, la rédaction actuelle de la loi est source de contentieux qui retardent le lancement de certains projets scientifiques », déplore Mme Orliac. De fait, explique-t-elle, « la Cour administrative d'appel de Paris a déduit de l'existence de l'interdiction de principe de la recherche qu'il appartenait à l'Agence de la biomédecine de faire la preuve que des recherches employant des moyens alternatifs ne pouvaient parvenir au résultat escompté. Elle a en conséquence annulé l'autorisation accordée trois ans auparavant à une recherche. » Apparemment, la loi proposée répondrait surtout à la Fondation Jérôme Lejeune, dont les recours feraient peser sur les chercheurs « une véritable insécurité juridique ». Onze affaires seraient en cours d'instruction, s'inquiète Dominique Orliac, au motif que l'Agence de biomédecine « n'avait pas prouvé l'impossibilité de mener ces recherches par d'autres méthodes ». Or, prévient-elle, « en matière de recherche fondamentale, une telle preuve ne peut pas être apportée ». Cependant, poursuit-elle, « les recherches sur les cellules souches adultes et les cellules reprogrammées n'ont pas vocation à se substituer, en l'état des connaissances scientifiques, à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mais en sont le complément nécessaire ».
Alternative prometteuse
Voilà précisément ce que conteste, par exemple, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France. Étant donné les perspectives offertes par les ressources du sang placentaire ou la reprogrammation cellulaire, l'engagement en faveur de la recherche sur l'embryon serait « un combat d'arrière-garde » selon lui, Ce combat n'est mené « que pour contester la valeur intrinsèque de l'embryon », a-t-il déclaré dans un entretien à Radio Notre-Dame retranscrit par France catholique. Évidemment, les chercheurs s'en défendent : « il n'y a aucune "appétence" particulière des scientifiques pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires et si, à l'avenir, d'autres méthodes s'avèrent être plus efficaces, elles évinceront naturellement cette dernière », soutient Mme Orliac.
Les projets les plus prometteurs, à brève échéance, viseraient à traiter la maladie de Steinert, qui se traduit par des anomalies musculaires et neuronales, ou la dégénérescence maculaire, affectant plus particulièrement la vue des personnes âgées. Les patients concernés peuvent-ils, dès lors, espérer une guérison prochaine ? Mgr Vingt-Trois entend dissiper de faux espoirs : « c'est une tromperie à l'égard des gens que de leur faire croire que grâce à cela ils vont avoir des traitements pour Alzheimer, Parkinson, etc. », a-t-il prévenu. « Cela n'aboutira pas. » Un jugement sans appel.
3 commentaires pour "Bioéthique : débat embryonnaire à l'Assemblée"
Lynda E. Sloan
Le 2 mai 2013 à 6 h 10 min
Les cellules souches embryonnaires humaines sont des cellules précurseurs non-différenciées qui possèdent la capacité de se développer en toutes les cellules « mûres » susceptibles de reprendre les fonctions des divers tissus et organes. De plus, les cellules embryonnaires peuvent se séparer à loisir et sont donc disponibles en assez grande quantité. Pour ces raisons, elles se prêtent particulièrement bien aux applications médicales. L’objectif à long terme de la recherche consiste à développer des cellules corporelles à partir de cellules souches humaines (telles que les cellules cardiaques) qui pourront par la suite remplacer les cellules défectueuses des patients (p. ex., ceux qui ont subi un infarctus). La recherche n’étant pas assez avancée, les cellules souches humaines ne peuvent pas encore, à l'heure actuelle, être utilisées à des fins thérapeutiques. Mais tout porte à croire, à juste titre, qu’elles pourront être utilisées dans quelques années pour le traitement de certaines maladies. La recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines est contestée du point de vue éthique, car les cellules sont généralement prélevées sur des embryons humains qui, du fait de cette opération, sont détruits. Pour cette raison, en Suisse, les cellules souches ne peuvent être prélevées que sur des embryons « en surnombre ». Ces embryons issus d’une fécondation artificielle ne pouvant être utilisés pour induire une grossesse n’ont aucune chance de survie.
Marlene Moses
Le 5 mai 2013 à 17 h 13 min
Une avancée relativement récente dans la recherche sur les cellules souches a été la découverte du processus de « reprogrammation » de cellules spécialisées adultes en cellules possédant des propriétés similaires aux cellules souches embryonnaires. Ces cellules ont été nommées cellules induites à la pluripotence (iPSC). La génération des cellules iPSC a des implications énormes pour la recherche sur les maladies et la mise au point de médicaments. Les chercheurs ont notamment généré des cellules du cerveau à partir de cellules iPSC issues d'échantillons de la peau de patients atteints de désordres neurologiques tels que la trisomie 21 ou la maladie de Parkinson. Ces cellules nerveuses cultivées en laboratoire montrent des signes typiques de la maladie des patients. Tout cela a une incidence sur la compréhension des mécanismes d'apparition des maladies — les chercheurs peuvent observer ce processus dans une boite de pétri — ainsi que sur la recherche et les essais de médicaments. De telles études donnent un aperçu de l'éventail des recherches mondiales sur les maladies utilisant des cellules iPSC.
Carey Beck
Le 6 mai 2013 à 17 h 43 min
Les cellules souches embryonnaires humaines sont des cellules précurseurs non-différenciées qui possèdent la capacité de se développer en toutes les cellules « mûres » susceptibles de reprendre les fonctions des divers tissus et organes. De plus, les cellules embryonnaires peuvent se séparer à loisir et sont donc disponibles en assez grande quantité. Pour ces raisons, elles se prêtent particulièrement bien aux applications médicales. L’objectif à long terme de la recherche consiste à développer des cellules corporelles à partir de cellules souches humaines (telles que les cellules cardiaques) qui pourront par la suite remplacer les cellules défectueuses des patients (p. ex., ceux qui ont subi un infarctus). La recherche n’étant pas assez avancée, les cellules souches humaines ne peuvent pas encore, à l'heure actuelle, être utilisées à des fins thérapeutiques. Mais tout porte à croire, à juste titre, qu’elles pourront être utilisées dans quelques années pour le traitement de certaines maladies. La recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines est contestée du point de vue éthique, car les cellules sont généralement prélevées sur des embryons humains qui, du fait de cette opération, sont détruits. Pour cette raison, en Suisse, les cellules souches ne peuvent être prélevées que sur des embryons « en surnombre ». Ces embryons issus d’une fécondation artificielle ne pouvant être utilisés pour induire une grossesse n’ont aucune chance de survie.