Le libre-échangisme a toujours la cote

5 juillet 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Union européenne prévoit d'intensifier ses échanges commerciaux avec les États-Unis. À cet effet, un traité de libre-échange transatlantique pourrait être adopté. Aperçu des enjeux des négociations à venir.

Producteurs et acteurs ont obtenu gain de cause : "l'exception culturelle" française est sauvegardée. Vendredi 14 juin 2013, après treize heures de débats, les ministres européens du Commerce ont fini par s'accorder : ils ont défini le mandat en vertu duquel la Commission européenne négociera, au nom des Vingt-Huit, un traité de libre-échange avec les États-Unis. Comme prévu, les services audiovisuels seront exclus des discussions.

Réactionnaire

José Manuel Barroso s'en est ému, jugeant « totalement réactionnaire » cette aversion pour la mondialisation. Ce faisant, le président de la Commission européenne a conforté l'image d'un gouvernement protégeant l'Hexagone des assauts de la concurrence. Auparavant, Paris n'avait-il pas encouragé Bruxelles à hausser le ton contre Pékin ? Les Échos l'avaient annoncé le 13 juin : « Le protectionnisme progresse partout dans le monde. » « Sur les douze derniers mois, 431 mesures protectionnistes ont été mises en place. Et 183 autres sont programmées. C'est le pire résultat observé depuis le début de la crise », précise notre confrère Richard Hiault, citant le rapport annuel de Global Trade Alert.

Cela étant, n'en déplaise à M. Montebourg, « nous ne sommes pas en crise avec Bruxelles », si l'on en croit Thierry Repentin, ministre délégué chargé des Affaires européennes. Son collègue du Redressement productif a beau multiplier les rodomontades, « ces discussions n'auront pas beaucoup de répercussions », a-t-il déclaré à nos confrères d'Euractiv. D'ailleurs, un projet de loi autorisant la ratification d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Corée du Sud vient d'être présenté en conseil des ministres le 19 juin. C'est dire combien doivent être relativisées les velléités protectionnistes du gouvernement.

Avec sa bénédiction, Bruxelles négocie d'ores et déjà des accords de libre-échange avec la Moldavie, le Japon, le Canada... Autrement dit, bien que les discussions multilatérales soient enlisées à l'OMC, le libre-échangisme a toujours la cote. Washington, quant à lui, négocie en ce sens avec neuf pays de l'Asie pacifique. Ce serait même sa priorité. « Le risque existe donc pour l'Europe d'apparaître comme demandeuse et dans ce cas de figure, d'avoir à faire plus de concessions », s'inquiète Seybah Dagoma, député PS de Paris.

Monts et merveilles

« La politique commerciale est l'un des principaux leviers de croissance » dont dispose l'Europe, affirme-t-elle dans un rapport parlementaire. De fait, Bruxelles promet monts et merveilles : à la faveur d'un accord transatlantique, 545 euros supplémentaires bénéficieraient chaque année aux familles européennes, selon une étude commandée par la Commission européenne. Étant donné la complexité des phénomènes en jeu, la multiplicité des interactions à l'œuvre, on reste circonspect quant à la fiabilité de telles prévisions. « Les conséquences économiques d'un accord de libre-échange transatlantique sont potentiellement considérables pour les deux partenaires, mais aussi pour le monde entier », prévient Mme Dagoma.

Les droits de douane sont déjà faibles de part et d'autre de l'Atlantique, souligne-t-elle dans son rapport, « même s'il subsiste [...] des "pics tarifaires", voire des restrictions quantitatives aux échanges ». Dans ces conditions, explique-t-elle, « la baisse, voire la suppression, des tarifs douaniers existants ne sont pas l'enjeu principal de la négociation à venir ». Celle-ci portera plutôt sur la réduction des barrières non tarifaires : la convergence des règlementations et autres procédures d'homologation. Cela s'annonce laborieux. « En pratique, la fragmentation de la compétence normative et la délégation de l'évaluation de la conformité au secteur privé qui caractérisent le modèle américain pourraient constituer les obstacles les plus importants. »

Agriculture

L'agriculture requiert une attention particulière. Pas seulement en raison des suspicions pesant sur les OGM, le bœuf aux hormones ou les poulets lavés à l'eau de Javel en provenance des États-Unis. « Un point majeur de l'accord devrait être l'occasion d'offrir une reconnaissance et une protection effective de nos principales indications géographiques » (IG), explique Éric Adam, dans une analyse publiée sur Telos. « Le marché américain présente un potentiel d'exportation important, en particulier pour les fromages et les vins », confirme Seybah Dagoma. Toutefois, prévient-elle, « ce développement des exportations ne sera possible que si les usurpations cessent. C'est particulièrement le cas des produits qui subissent la concurrence des produits dits semi génériques tolérés aux États-Unis, comme le California Champagne. » En la matière, des avancées ont récemment été obtenues en Chine, où les champagnes français ne sont plus confondus avec d'autres mousseux.

Ces perspectives doivent-elles nous réjouir ? « Ravi que l'on défende l'exception culturelle », Nicolas Dupont-Aignan s'étonne néanmoins que « dans notre pays, les ouvriers n'aient pas la chance d'être défendus comme les acteurs ». « J'aimerais que l'on étende le protectionnisme qui a sauvé le cinéma français au reste de l'économie, au lieu de se contenter de défendre un pré carré », a-t-il déclaré lors d'un débat en commission parlementaire. De son point de vue, « il ne s'agit pas d'aménager cet accord transatlantique, mais de le combattre ainsi que ses présupposés ». En filigrane, on devine des équivoques économiques, mais aussi politiques, voire philosophiques. 

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