Dialogue de sourds autour du libéralisme

6 septembre 2014

De Charles Maurras à Najat Valaud-Belkacem... D'un libéralisme à l'autre ?

La nomination de Najat Vallaud-Belkacem à l'Éducation nationale serait « la confirmation de la ligne libérale-libertaire » du pouvoir, avons-nous lu récemment sous la plume d'un collègue. Affirmation peu convaincante à nos yeux, étant donné le soutien que notre jeune ministre apporte à l'abolition de la prostitution – et à la proposition de loi censée mettre en œuvre pareille ambition.

La question nous intéresse d'autant plus qu'elle est susceptible d'illustre l'opposition entre « libéralisme et libertés » chère aux lecteurs de Maurras. Selon Mme Vallaud-Belkacem, en effet, garantir aux femmes la liberté de se prostituer, c'est d'abord assurer aux hommes celle de les exploiter, qu'ils soient clients ou proxénètes. « Dans la prostitution », a-t-elle déclaré devant l'Assemblée nationale le 29 novembre 2013. « le consentement à l'acte sexuel est un consentement dans lequel ceux qui ont de quoi payer ont droit à la soumission de ceux qui n'ont d'autre choix ».

Autrement dit, le respect d'une liberté par principe conduirait à l'asservissement dans les faits. C'est apparemment la thèse qui fut soutenue, le mois dernier, lors du camp Maxime Real del Sarte (CMRDS) : « le libéralisme est un cancer, dont le développement conduit à la suppression de toutes les libertés véritables, quand est proclamée une fausse liberté, abstraite et illimitée celle-là », a-t-il été rapporté dans le compte rendu.

À la relecture de Maurras, on imagine que la « liberté abstraite » ainsi stigmatisée doit être celle dont nos démocraties revendiquent l'exclusivité. « Un peuple est présumé libre dès lors qu'il vit en démocratie », expliquait dernièrement Guillaume Nicoulaud, alias Georges Kaplan. Or, de son point de vue – libéral ! –, « ce dont il est ici question, c'est d'une liberté collective qui ne peut se comparer à notre définition de la liberté que si et seulement si tous les citoyens votent d'une seule et même voix. De fait, comme le note Hayek, "un peuple libre en ce sens-là n'est pas nécessairement un peuple d'hommes libres" puisque la volonté arbitraire de uns – typiquement la majorité – peut contraindre la liberté des autres – la minorité. Symétriquement, note l'auteur de la Constitution de la liberté, "il n'est pas nécessaire non plus que quelqu'un ait part à cette liberté collective pour être libre individuellement" ; c'est le cas, typiquement, d'un étranger qui ne dispose pas du droit de vote – et n'a donc pas de "libertés politiques" – mais vit dans un pays où les lois garantissent ses libertés individuelles. » En résumé, « la démocratie, n'en déplaise à celles et ceux qui se paient de ces théories politiques fumeuses qui n'entretiennent avec la réalité qu'un rapport lointain (contrat social, consentement à l'impôt et tutti quanti), n'est en rien garante de nos libertés ».

Bref, tel qu'il est revendiqué par ses partisans contemporains, le libéralisme semble aux antipodes de celui dénoncé par Maurras et ses héritiers. Un dialogue de sourds ?

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