Travail dominical : pour en finir avec les inepties
10 décembre 2014
Entre autres dispositions, le projet de loi « pour la croissance et l'activité », présenté aujourd'hui, mercredi 10 décembre 2014, en conseil des ministres, prévoit d'assouplir les règles restreignant le travail dominical. Au grand dam des conservateurs, dont tous les arguments ne sont pas recevables – c'est le moins que l'on puisse dire !
Pourquoi nos compatriotes désargentés se risqueraient-ils à faire le dimanche des achats qu'ils ne pourraient pas s'autoriser les autres jours, se demandent-ils naïvement. Esquissons un raisonnement par l'absurde : si cette question était pertinente, les distributeurs n'auraient-ils pas intérêt à ce que leurs magasins soient ouverts chaque semaine non pas un jour de plus, mais un jour de moins ? À chiffre d'affaires équivalent, cela réduirait leurs frais, au bénéfice de leurs marges ! Manifestement, telle n'est pas leur revendication. Pourquoi n'en est-il pas ainsi ? Tout simplement parce que l'économie n'est pas un jeu à somme nulle.
Les travailleurs du dimanche bénéficient d'une rémunération inévitablement réinjectée dans le circuit économique, que ce soit par la consommation ou l'épargne. Et si leur employeur consent à les rétribuer, c'est, précisément, parce qu'ils participent à une "création de richesse" – en l'occurrence, la mise à disposition de produits ou services. De quoi susciter une hypothétique inflation, mais aussi ouvrir la voie à de nouvelles stratégies de consommation : certains ménages optimiseront leurs achats, feront des économies ici pour dépenser davantage ailleurs...
Cela au détriment de leur vie familiale ? Peut-être, mais pas forcément. À vrai dire, l'inverse est tout à fait envisageable : les heures de travail étant réparties sur une plage élargie, il n'est pas impossible que la prise en compte des attentes des uns et des autres s'en trouve facilitée. Concrètement, peut-être deux conjoints auront-ils d'autant plus de chances de bénéficier d'un jour de repos commun, quand l'un d'entre eux travaille déjà dans la restauration, par exemple (nous l'avons observé dans notre entourage) ; et peut-être une mère de famille abandonnera-t-elle volontiers ses enfants quelques heures chaque week-end, si cela lui permet de les embrasser chaque soir avant qu'ils ne s'endorment, ou, mieux encore, d'aller les chercher tous les jours à la l'école...
Il y a comme un déni du réel dans l'affirmation que le travail dominical saperait nécessairement la vie des familles. Ainsi qu'une certaine forme d'intolérance, les uns voulant imposer aux autres le partage de leurs propres habitudes. Mais peut-être effleure-t-on ici le principal enjeu du débat : y aurait-il un quelconque intérêt à ce que non pas tous les membres d'une même famille, mais la plupart des citoyens d'une nation tout entière, partagent un jour de repos commun ? Nous serions curieux d'entendre les arguments avancés en faveur de cette thèse, sans cacher que notre attachement croissant aux libertés rend leur sacrifice de plus en plus difficilement justifiable à nos yeux.
NB – Un argumentaire à lire en faveur du travail dominical – fût-ce pour le récuser intelligemment, ce qui ne nous a pas encore été donné à voir (mais peut-être n'avons-nous pas suffisamment cherché, trompé par les "mauvais amis" du repos dominical).