La France malade de Paris

6 mars 2015
Article publié dans L'Action Française 2000

Le budget des collectivités locales n'en finit pas d'augmenter, bien que l'État réduise leurs dotations. Tandis que l'intercommunalité tarde à tenir ses promesses, la concentration des activités serait la condition d'une croissance retrouvée. Vraiment ?

Polémique à Compiègne : après que la bande-son d'un clip de rap controversé eut été enregistrée aux frais des contribuables locaux, la municipalité a dénoncé « un détournement » de ses installations. « Nos équipements ne doivent pas être utilisés pour produire des éléments qui sont de nature à développer l'argent facile, les rodéos », a martelé benoîtement Michel Foubert, premier adjoint au maire Philippe Marini, cité par nos confrères du Parisien. En conséquence, a-t-il annoncé, les installations municipales pourraient faire l'objet prochainement d'une "charte d'utilisation". Autant dire qu'il affiche la ferme volonté d'en finir avec la dilapidation des deniers publics...

Plus de fonctionnaires

Pourtant, la pression est forte sur les communes, départements et régions, dont le budget doit s'accommoder d'une moindre dotation de l'État. « Après un premier coup de rabot de 1,5 milliard en 2014, cette manne va être amputée de 3,67 milliards cette année et de 11 milliards au total de 2015 à 2017 », rapporte Le Figaro. Les dépenses n'en continuent pas moins d'augmenter dans les collectivités locales, comme le précise notre confrère Cyrille Pluyette : « Leur masse salariale – plus de la moitié des charges des communes – a bondi de 4 % l'an dernier, selon un chiffre provisoire donné par Christian Eckert, le secrétaire d'État au Budget, après une progression 3,1 % en 2013. » Tout en occultant la diversité des territoires, ces chiffres traduisent l'échec d'une certaine "rationalisation" orchestrée depuis Paris. Selon l'Observatoire des finances locales, en effet, ces mauvais chiffres résulteraient de « la montée en charge progressive de l'intercommunalité », laquelle associerait « une hausse modérée des dépenses communales de personnel à une progression importante de celles des groupements de communes ». Autrement dit, les mutualisations annoncées n'ont pas produit les économies escomptées, bien au contraire !

Une analyse biaisée

Qu'en sera-t-il du développement des métropoles ? Héritier du Commissariat général du Plan, le Conseil d'analyse économique (CAE) souligne « l'intérêt » qu'il y aurait « à accompagner la concentration d'activité ». Paradoxalement, quitte à accroître les redistributions, il y verrait le moyen de « promouvoir l'égalité des chances à travers le territoire », selon l'intitulé d'un rapport publié le mois dernier (féveier 2015). Cela répondra-t-il aux attentes de la "France périphérique" dépeinte par Christophe Guilluy ? Quoi qu'il en soit, cette analyse apparaît biaisée aux yeux d'Olivier Bouba-Olga, professeur à l'université de Poitiers. Les rapporteurs « font "comme si" le PIB par habitant était un bon indicateur de la productivité des régions », explique-t-il sur son blog. Or, cette statistique « dépend certes en partie de la productivité apparente du travail, mais aussi des taux d'emploi, des taux d'activité, de la proportion de travailleurs transfrontaliers ou interrégionaux, des comportements de mobilité, etc. ». A titre d'illustration, précise-t-il, «  une bonne part de l'écart entre le PIB par habitant de l'Île-de-France et celui des autres régions tient au fait que les actifs d'Île-de-France passent leur retraite hors de la région capitale ». En définitive, affirme le chercheur poitevin, « croire que la seule solution pour faire de la croissance en France consiste à renforcer encore l'hypertrophie francilienne est particulièrement désolant et non fondé scientifiquement ».

Républiques en miniatures

C'est pourtant la conviction qui semble inspirer nos élites politiques, y compris à l'échelle locale. Que l'on songe aux chamailleries à l'œuvre à la faveur de la réforme territoriale, tandis que les édiles se disputent les "capitales" des nouvelles entités régionales ! « On aurait pu rêver d'un peu d'imagination, de tentatives de gouvernance innovantes, permettant de tirer partie de la diversité des territoires français, de bien gérer ces interdépendances », regrette Olivier Bouba-Olga. « Je crains qu'on s'achemine vers l'émergence de petits rois, à la tête de leur petit royaume », conclut-il, pessimiste. De "petits royaume" hélas construits sur un modèle républicain...

NB – À la faveur du redécoupage régional, « l'hétérogénéité interrégionale des PIB par habitant se réduit », observe Olivier Bouba-Olga. Cela n'ira pas sans produire quelque effet collatéral, prévient-il : « Comme les aides européennes sont calculées en partie sur la base des PIB régionaux par habitant, le montant d'aide reçu par la France va diminuer. » Voilà qui éclaire sous un nouveau jour une "solidarité européenne" que l'on savait déjà bien fragile...

Laissez un commentaire