Le Rafale s'envole pour Le Caire

6 mars 2015
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Égypte acquiert le Rafale pour échapper à l'influence américaine, tout comme la France l'avait développé pour garantir son autonomie stratégique.

Le Rafale a enfin décollé à l'export ! Vingt-quatre appareils ont été commandés par l'Égypte le 16 février. Il était temps : son premier vol remontait à juillet 1986... Depuis, les critiques n'ont pas manqué de railler un projet militaro-industriel réputé symptomatique d'une certaine arrogance française. D'autant qu'avec des ambitions plus modestes, le Gripen suédois avait déjà conquis la République tchèque, la Hongrie, l'Afrique du Sud et la Thaïlande... Paris pouvait certes s'enorgueillir de disposer d'un avion polyvalent et performant, mais personne n'en voulait ; la preuve n'était-elle pas ainsi faite qu'il avait eu tort de faire cavalier seul ?

Le choix de l'indépendance

C'est pourtant ce choix-là qui s'est avéré payant à l'égard du Caire – celui de l'indépendance. Pour l'Égypte, remarquent nos confrères de DSI, cet achat « est plus qu'une affaire d'équipement militaire : c'est aussi une question de souveraineté sur l'usage qui peut être fait de ses matériels ». Jean-Dominique Merchet le confirme sur son blog Secret Défense : « Le facteur déclenchant du contrat Rafale remonte au mois d'août dernier, lorsque les Émirats arabes unis ont bombardé des positions islamistes en Libye, avec le soutien de l'Égypte. Les Émiriens ont alors utilisé leurs Mirage 2000-9 plutôt que leurs F-16, les États-Unis ayant, selon des informations de source française, mis leur veto sur l'emploi de chasseurs-bombardiers de fabrication américaine. Or, l'essentiel de la flotte aérienne de l'Égypte est aujourd'hui composé de deux cent vingt F-16. D'où la volonté de Sissi de diversifier, vite, son approvisionnement en armements, auprès de pays, comme la France, moins regardant sur l'emploi qui en est fait. » De fait, le développement du Rafale s'est inscrit dans la continuité d'une politique nationale dont la dissuasion nucléaire n'est pas le moindre des aspects. Aux côtés des SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins), l'avion produit par Dassault en est précisément l'un des vecteurs. Sa crédibilité serait naturellement entamée si elle devait dépendre, d'une façon ou d'une autre, d'une puissance étrangère...

Une bonne affaire

L'exportation du Rafale contribuera-t-elle à pérenniser cette autonomie ? Peut-être permettra-t-elle d'en atténuer les coûts, au demeurant très relatifs. Développé dans le cadre d'une coopération entre l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni,   assemblé en conséquence sur quatre sites différents, l'Eurofighter s'est avéré beaucoup plus coûteux, en définitive, que son concurrent français. Selon un rapport du Sénat, « la coopération européenne dans les industries de défense regorge d'exemples de programmes dont les délais ont été plus longs et les coûts plus chers que s'ils avaient été menés nationalement, qui ont connu des dérapages de prix et ont débouché sur des produits moins cohérents voire si différents que tout partage des coûts de maintenance en est impossible ». Dans ces conditions, conclut notre confrère Jean-Dominique Merchet, « le choix de jouer en franco-français [...] apparaît [...] comme le plus rationnel, tant sur le plan des finances publiques que sur celui des besoins militaires ».

En résumé : l'indépendance nationale est une bonne affaire. 

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