De la « constitution pour l'Europe » au traité de Lisbonne : la démocratie bafouée ?
4 juin 2015
Article publié dans L'Action Française 2000
Pourquoi la défense de la « souveraineté nationale » conduit à une impasse.
Il y a dix ans, le 29 mai 2005, a été rejetée par référendum la ratification par la France du "traité établissant une constitution pour l'Europe". Reprenant, sous une forme différente, la quasi-totalité de ses dispositions, le traité de Lisbonne n'en est pas moins entré en vigueur quatre ans plus tard, le 1er décembre 2009. La démocratie s'en est-elle trouvée bafouée ?
L'onction populaire dont prétendent se parer les détracteurs de ce texte ne leur confère, en réalité, qu'une légitimité très relative : seuls 37 % des électeurs inscrits ont joint leur voix à à la leur... De fait, la "volonté" prêtée au peuple n'est jamais exprimée que par une fraction de celui-ci. En outre, alors qu'il était candidat à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy n'avait pas caché ses intentions : « débloquer l'Europe institutionnellement, ce sera le sens de ma première initiative européenne si je suis élu », avait-il déclaré le 21 février 2007. « Dans ce but », avait-il annoncé, « je proposerai à nos partenaires de nous mettre d'accord sur un traité simplifié qui reprendra les dispositions du projet de traité constitutionnel. [...] Ce traité [...] sera soumis pour ratification au Parlement. »
Votant en toute connaissance de cause, le peuple aurait-il changé d'avis ? Peut-être n'en a-t-il jamais vraiment exprimé aucun. Comme l'écrivait Charles Maurras, l'issue d'un scrutin n'est que « l'expression d'une différence entre deux totaux » ; les forces à l'œuvre « peuvent être, en elles-mêmes, pensantes, mais le vote qui les exprime ne pense pas : par lui-même, il n'est pas une décision, un jugement, un acte cohérent et motivé tel que le développe et l'incarne le pouvoir personnel d'une autorité consciente, nominative, responsable ».
C'est pourquoi le "déficit démocratique" dont souffrirait l'Union européenne doit être dénoncé avec prudence : à l'origine, ce phénomène traduisait moins l'accroissement des pouvoirs de Bruxelles que celui des gouvernements nationaux aux dépens de leur propre parlement... En outre, c'est précisément au motif qu'il faudrait combler ce déficit que l'équilibre institutionnel de l'Europe a été révisé dans une perspective plus fédérale, au bénéfice du Parlement européen.
C'est dire l'impasse à laquelle conduit la défense de la "souveraineté nationale", au sens où l'entendait Maurras, qui n'en acceptait le principe « ni implicitement, ni explicitement ». Pas de souveraineté sans souverain !