Union européenne : les référendums du désamour

16 juillet 2015
Article publié dans L'Action Française 2000

Rappel de quelques consultations populaires ayant ponctué la construction européenne.

La démocratie directe s'immisça dans la "construction européenne" dans les années soixante-dix, à l'heure du premier élargissement des Communautés, auquel Paris ne donna lui-même son feu vert qu'à l'issue d'un référendum (68,3 % des suffrages exprimés en faveur du "oui"). L'adhésion du Danemark et celle de l'Irlande furent ratifiées dans la foulée d'une consultation populaire (respectivement 81,3 % et 63,3 % de "oui"), tandis que celle de la Norvège fut rejetée selon les mêmes modalités (53,5 % de "non"). L'adhésion du Royaume-Uni était déjà effective quand un référendum y fut organisé (67,2 % de "oui"). « There is no alternative », clamaient déjà les partisans du maintien dans "l'Europe"... Dans les années quatre-vingt, les traités d'adhésion de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal furent ratifiés par voie parlementaire. Dans les années quatre-vingt-dix, en revanche, l'élargissement suivant donna lieu à des consultations populaires. « Il avait été convenu de commencer par le pays où l'opinion semblait la mieux disposée, l'Autriche, et l'effet d'entraînement fut d'autant plus réel que les résultats furent meilleurs qu'espérés » (66,6 % de "oui"), comme le rapportent Anne Dulphy, Lukas Macek et Christine Manigand, dans une contribution au Dictionnaire critique de l'Union européenne (Armand Colin, 2008). La Finlande et la Suède lui emboîtèrent le pas. « En revanche, à nouveau, la population norvégienne – notamment celle du Nord, ainsi que les petits paysans, les artisans pêcheurs... – opposa un "non" à 52,2 %, en dépit d'une participation inégalée de 89 %. »

Un état d'esprit fataliste

Nouvelle vague d'élargissement dans les années 2000. Chypre entérina son adhésion à la faveur d'un vote parlementaire, tout comme la Bulgarie et la Roumanie un peu plus tard. Partout ailleurs (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovénie, Slovaquie), un référendum fut convoqué. Dans la plupart des cas, le "oui" l'emporta largement, mais la participation fut assez faible. Dans le décennie suivante, cela se vérifia en Croatie, où l'adhésion fut également approuvée par référendum (66,27 % de "oui", mais seulement 43,51 % de participation). L'Europe se serait-elle imposée comme une fatalité ? « Cette vision du processus d'intégration comme une nécessité historique est très caractéristique de la trajectoire des pays post-communistes », commentent Anne Dulphy, Lukas Macek et Christine Manigand. « Il en a découlé assez logiquement un sentiment [...] que "tout est joué", le vote des citoyens n'étant qu'une simple formalité. » En cela, « les référendums d'adhésion dans les Peco [pays d'Europe centrale et orientale] sont à mettre en parallèle avec les consultation en France, aux Pays-Bas et en Irlande en 2005 et 2008 : derrière un postulat pro-européen de principe, il y a désormais une réelle difficulté à faire émerger une majorité populaire dès lors qu'il s'agit de préciser les modalités concrètes du projet européen ».

Plusieurs autres  référendums ont ponctué la construction européenne. Quelques États méritent une attention particulière : la Norvège, qui semble durablement associée à l'UE sans y adhérer formellement ; l'Irlande, où les citoyens ont été convoqués aux urnes à deux reprises afin que soit ratifié le traité de Lisbonne – tout comme ils l'avaient déjà été deux fois afin que soit adopté celui de Nice ! – ; le Danemark, où l'échec d'un premier référendum sur le traité de Maastricht avait suscité la négociation de plusieurs dérogations – sur lesquelles il est d'ailleurs question de revenir, au moins en partie, à l'occasion d'une prochaine consultation populaire.

L'exemple de la Suède

« La Suède, de son côté, n'a jamais demandé d'exception formelle », rappellent les contributeurs du Dictionnaire critique de l'Union européenne. « Lors des négociations d'adhésion, elle avait spécifié qu'elle se réservait le droit de soumettre à une décision séparée sa participation à la troisième phase de l'Union économique et monétaire. Cette décision ne figure pas dans le traité de juin 1994, mais les autorités suédoises ont revendiqué ce droit à un libre choix » – preuve que l'Europe peut se construire plus ou moins "à la carte" indépendamment des traités. S'il était pressé d'adopter la monnaie unique contre l'avis du "pays légal", Stockholm pourrait donc s'abriter derrière la "volonté populaire". Ce faisant, peut-être se heurterait-il aux velléités intégrationnistes des institutions communautaires, mais pas directement aux intérêts des États membres de l'UE... Or, nulle consultation populaire ne saurait bouleverser les rapports de force qui gouvernent l'équilibre européen. Maurras raillait jadis « ces divagations de démocratie libérale qui supposent que nous pouvons tout ce qu'il nous vient à la fantaisie de vouloir ». Autrement dit : la souveraineté est une chose, mais la puissance en est une autre... Les Grecs ne viennent-ils pas d'en faire l'amère expérience ?

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