Rama Yade entre souverainisme et libéralisme

24 avril 2016

Avec aussi une petite touche de royalisme...

« Le créneau "ni droite, ni gauche", un temps occupé par le FN [...] paraît faire des émules », et cela « tous azimuts », écrivait Aristide Leucate, dans le dernier numéro de L'Action Française 2000 (21 avril 2016). Voilà que Rama Yade semble confirmer son observation : alors qu'elle vient de se déclarer candidate à l'élection présidentielle, elle se dit « libre d'être de droite, libre d'être de gauche », revendiquant le soutien d'une « coopérative politique » constituée d'une mosaïque de petits partis aux inspirations idéologiques diverses (Alliance écologiste et indépendante, Parti libéral démocrate, Démocratie 21, Rassemblement écocitoyen, Cercle de la Diversité).

Apologie de la tradition

Malicieusement, notre confrère se demandait si les adeptes d'un tel positionnement n'étaient pas des « royalistes latents ». Rama Yade a beau se prétendre« aux antipodes » d'Emmanuel Macron (« je ne représente ni la bourgeoisie d'État, ni les puissances d'argent », clame-t-elle de façon aussi cinglante que mesquine), la question mérite d'être posée à son propos également, comme en témoigne le ton sur lequel elle avait commenté le mariage du prince William et de Kate Middleton : « la tradition, c'est quand même bien, quand elle unit deux jeunes gens et un peuple tout entier », expliquait-elle en avril 2011 ; à ses yeux, « le moment le plus intense (furtif) fut la révérence de Kate, devant la reine Elizabeth qui semblait en avoir vu tellement » ; en effet, remarquait-elle, « il y avait là une transmission, un respect, une soumission devant la tradition, un genre »

Romantisme néo-gaullien

Cela étant, c'est au "peuple", et non au roi, que Rama Yade entend rendre le pouvoir. Son discours ravira les souverainistes, à certains égards du moins. Regrettant naïvement que l'Union européenne ne dispose pas d'un véritable président, elle rappelle, cependant, qu'elle avait voté "non" au référendum de 2005 ; or, dénonce-t-elle, « on n'a pas respecté mon vote », puisque le traité établissant une constitution pour l'Europe est « revenu en 2008 par la fenêtre ». Reprochant à Paris de « se soumettre en permanence à la bureaucratie » de Bruxelles, elle prône « la politique de la chaise vide », donnant en exemple la perfide Albion de David Cameron, mais aussi la Grèce d'Aléxis Tsípras – lequel aurait « su insuffler de la démocratie en Europe ». À l'avenir, réclame-t-elle, chaque élargissement devrait faire l'objet d'un référendum. De son point de vue, « plutôt que de nous soumettre à la mondialisation [...] consumériste », il faudrait que « la France redevienne une puissance médiatrice ». « Extirpée de la famille américaine », celle-ci « parviendrait, avec les symboles, à compenser ce qu'elle a perdu en termes économiques », promet Rama Yade, pour qui « la France n'est pas la France sans la grandeur ».

« Aux Français de dire et faire ! »

Ce romantisme néo-gaullien, mâtine d'accents populistes, se trouve mêlé, chez Rama Yade, à des revendications typiquement libérales. « Aux Français de dire et faire ! », clame-t-elle dans son manifeste. Or, précise-t-elle, « rendre le pouvoir aux Français », c'est, certes, en appeler au référendum, mais aussi « les laisser faire et créer du lien entre eux ». Autrement dit, il s'agirait de « passer de l'État-providence, omnipotent et impuissant, à une société-providence, plus innovante ». Dans cette perspective, « plutôt qu'une économie où les grands groupes, en connivence avec la haute administration, finissent par se couper du tissu économique et social de notre pays », Rama Yade entend promouvoir « une économie du partage qui introduise une concurrence plus juste, libère nos entreprises de l'emprise notamment fiscale de l'État et permette l'innovation ». Aux échecs de Pôle Emploi et de l'Éducation nationale, elle oppose la réussite de quelques initiatives privées citées en exemple.

Candidature sans promesse

« Notre pays compte dans ses rangs des Français extrêmement capables et désireux d'agir », se félicite Rama Yade. Des paroles en l'air ? Peut-être bien. « Parce que la valeur promesse a été disqualifiée, je n'en ferai pas », annonce-t-elle avec une certaine légèreté.  Son inclination à dramatiser les enjeux ne sert pas sa crédibilité : « parce que les Français ont perdu toute confiance, l'élection française de 2017 ne ressemblera à aucune autre », croit elle-deviner. « À situation hors normes, il faut un projet de radicalité », poursuit-elle. Reste à en dessiner les lignes...

En attendant, c'est avec bienveillance, quoique sans illusion, que nous accueillerons tous les discours appelant les Français à reprendre leur destin en main : do it yourself – tel serait notre programme pour 2017 !

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