Les politiques s'arrachent les racines

18 mai 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Voilà qu'on reparle des "racines chrétiennes" de la France. Un député propose même de les inscrire dans la Constitution.

Karim Ouchikh, président du Siel (parti associé au FN), ferait-il des émules ? « Si tous les cultes sont formellement égaux devant la loi, les religions ne le sont pas devant la mémoire », expliquait-il dans le précédent numéro de L'Action Française 2000 (n° 2931 du 5 mai 2016) ; « sans jamais promouvoir un État confessionnel », poursuivait-il, « il nous faut donc fonder une laïcité qui admettrait la prééminence du fait chrétien dans le débat public ».

La laïcité contre l'islam

Éric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes, semble lui faire écho : « s'il faut défendre à tout prix la laïcité en tant que facteur d'unité, elle ne peut avoir pour corollaire l'effacement de notre culture commune  », affirme-t-il dans l'exposé des motifs d'une proposition de loi constitutionnelle, enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 6 mai dernier (2016). « La France a été culturellement façonnée et imprégnée par son histoire chrétienne qui a forgé les modes de vie, l'organisation sociale, ou encore le calendrier civil ou les fêtes religieuses », souligne-t-il. Soucieux de « graver cette empreinte durable dans le premier article de notre loi fondamentale », il propose  de réviser la Constitution en conséquence, afin qu'y soit mentionnée la « tradition chrétienne » dont la France est l'héritière.

Mais parallèlement, la "laïcité" serait ajoutée à la devise de la République – « liberté, égalité, fraternité ». Ce faisant, il s'agirait de « rappeler avec force la place fondamentale de ce principe ». Celui-ci « n'a eu de cesse de reculer », déplore Éric Ciotti. « L'espace public est progressivement devenu un lieu d'expression d'appartenances et de pratiques religieuses », dénonce-t-il. Bien qu'il ne soit pas cité, c'est évidemment l'islam qui est visé. Instrumentaliser la laïcité à ses dépens, voilà une démarche à nos yeux malvenue, quoique désormais convenue. « La laïcité ne doit [...] pas nous conduire à ignorer qui nous sommes, ni d'où nous venons », prétend certes M. Ciotti. Cependant, comment pourrait-il en être autrement, étant donné l'acception dévoyée qu'il en propage par ailleurs ? Selon lui, « le modèle français exige des individus de confiner à la sphère privée ce qui relève de leurs croyances religieuses ». Si tel était effectivement le cas, les prêtres en soutane se trouveraient bannis de nos rues, au même titre que les femmes couvertes d'un voile islamique !

Polémique calculée

Toutefois, en l'état actuel du droit, la laïcité ne vire pas nécessairement au laïcisme. C'est pourquoi il nous semblerait impossible d'engager des poursuites contre le socialiste Pierre Moscovici, commissaire européen, qui revendique pourtant, dans l'exercice de ses fonctions, des convictions de nature quasi religieuse : « je ne crois pas aux racines chrétiennes de l'Europe », a-t-il déclaré le 8 mai sur BFM TV. Comme si c'était une affaire de foi ! Sans doute s'agit-il, dans un cas comme dans l'autre, d'envoyer un signal politique, sans traduction concrète, mais délibérément polémique et "clivant". Rama Yade, quant à elle « rêve d'un second tour face à Marine Le Pen », comme le rapportait Le Point le 28 avril ; « je voudrais que symboliquement le choix des Français, ce soit elle ou moi », a-t-elle déclaré à notre consœur Émilie Trevert. Dans ces conditions, les détracteurs du « grand remplacement » ne manqueraient pas d'en faire l'enjeu du scrutin, au risque de déchaîner bien des passions... Les responsables politiques ont beau se gargariser du "vivre-ensemble", celui-ci fera vraisemblablement les frais des joutes électorales.

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