Un Front en mutation

4 mai 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Le Front national deviendrait-il féministe ? En tout cas, s'il demeure eurosceptique, c'est à sa façon, et non à celle des Britanniques.

L'histoire a-t-elle un « sens » ? Assurément, selon Marine Le Pen. À ses yeux, le succès que vient de rencontrer l'homologue autrichien du Front national en témoigne : « une très forte poussée » des mouvements populistes serait à l'œuvre « dans énormément de pays d'Europe », s'est elle félicitée sur France 2. « L'hostilité à l'immigration explique en grande partie le score du candidat FPÖ à l'élection présidentielle », analyse Daniel Vernet sur Telos. Mais qu'en est-il de la France ? Celle-ci « est en train de prendre vraiment conscience qu'elle est une nation multiculturelle », soutient Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, dans un entretien au Monde. « C'est une véritable chance pour le pays », affirme-t-elle. L'islam n'en inspire pas moins la défiance populaire, à tel point que sa hantise contribue à refaçonner le paysage politique.

Cet islam qui change tout

« En Europe occidentale », en effet, « les populismes d'extrême droite ont réussi à détourner le logiciel idéologique de la gauche sur les questions sociétales », comme l'expliquait Jean-Yves Camus, dans L'Humanité, en janvier 2012. Ainsi soulignait-il qu'aux Pays-Bas, « le génie de Pim Fortuyn fut de construire une formation postmoderne qui déconstruisait le multiculturalisme au nom des atteintes que l'islam porterait [...] aux libertés individuelles : liberté de conscience, laïcité, égalité des sexes, droits des homosexuels, droit à l'irréligion, enfin droit à la sécurité face au terrorisme et à la violence dirigée contre certaines minorités, en particulier les juifs ». Sans doute faut-il analyser à cette aune la passion de Florian Philippot pour la culture des bonsaï. Tout comme ces propos prêtés à Louis Aliot, rapportés par Marie-Pierre Bourgeois dans un entretien à Têtu : « Les homos se sont rendus compte qu'il y avait moins de péril à vivre avec Marine Le Pen qu'avec les musulmans. » Le 1er mai, à l'occasion du "banquet populaire et patriote" organisé par son parti, Sophie Montel, conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, est montée à la tribune : « c'est le Front national qui défend la femme et ses droits en France », a-t-elle martelé. Y compris la contraception et l'avortement, a-t-elle précisé, après s'être placée sous le patronage de Jeanne d'Arc – une femme « libre et patriote » qui « chevauchait et se coupait les cheveux à la garçonne ». « Elle aussi est libre de disposer de son corps », avaient déclaré des militantes des Femen, il y a deux ans, à l'occasion d'un hommage qu'elles lui avaient rendu à Poitiers. Alors qu'elle vient de déserter le pavé parisien sous leurs applaudissements, peut-être Marine Le Pen participera-t-elle à leur prochain "happening" ?

Le FN mal vu outre-Manche

En attendant, et plus sérieusement, c'est dans les pas des eurosceptiques britanniques que la présidente du Front national entend s'inscrire. Non sans rencontrer quelque difficulté. Selon le souhait de Gisela Stuart, chef de file des partisans du Brexit, l'accès au territoire britannique devrait même lui être refusé. Cela en raison de « ses opinions extrémistes », comme expliqué dans un courrier adressé au ministre de l'Intérieur, Theresa May, cité par l'AFP. Perfide Albion ! Marine Le Pen prévoyait effectivement de se rendre outre-Manche ce mois-ci. Sa visite « permettrait aux Britanniques qui souhaitent sortir de l'Union européenne de savoir qu'il y a des responsables européens de premier plan qui les soutiennent », a souligné Florian Philippot, cité par Euractiv.

Deux visions opposées

Bien des Britanniques apprécieraient sans doute de l'entendre vilipender la bureaucratie européenne. Mais pour le reste, quoique volontiers eurosceptiques, se reconnaîtraient-ils dans son discours ? « Après le Brexit, le Royaume-Uni ne serait plus lié par le tarif extérieur commun de l'UE sur les importations », expliquent des contributeurs de Telos. Or, précisent-ils, « les partisans d'une sortie de l'UE soutiennent que le Royaume-Uni pourrait bénéficier de ce changement en retirant unilatéralement tous les droits de douane sur les importations ». Autrement dit, si Londres quittait le navire européen, ce serait pour voguer vers des horizons aux antipodes du « protectionnisme intelligent » cher au Front national...

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