Obsolescence programmée, défaut de conception ou défaillance du fournisseur ?
4 mai 2018
Un lave-linge à la carte-mère défaillante, un téléviseur dont le condensateur lâche après avoir été exposé à la chaleur… Premier rebond sur un débat organisé dernièrement par l'Institut d'études politiques de Paris.
L'obsolescence programmée vient de faire l'objet d'un débat à Sciences Po, à l'initiative du Centre de sociologie des organisations. Au cours de son intervention, Dominique Roux-Bauhain, professeur à l'université Reims Champagne-Ardenne, a rapporté le témoignage d'un contributeur du site Comment réparer. Deux cent quatre vingts personnes auraient pris contact avec lui, confrontées à la panne de leur lave-linge – la même panne rencontrée à chaque fois sur le même machine : placée près du moteur, la carte-mère qui l'équipait s'était souvent montrée défaillante… Selon les points de vue, on y verra un défaut de conception ou bien un sabotage délibéré.
Le téléviseur de tous les fantasmes
Peut-être le rappel d'un précédent pourra-t-il éclairer les jugements. Dans leur rapport publié en 2014 dans le cadre de l'École des mines, Thomas Lombès et Bastien Poubeau avaient rendu compte du cas suivant : « D'après le Simavelec, le Syndicat des industriels de matériels audiovisuels électroniques en France, une inhomogénéité de la qualité de production a été à l'origine d'un défaut de série sur un téléviseur Samsung qui a alimenté la polémique sur l'obsolescence programmée en 2012. Le téléviseur en question a rencontré un tel succès commercial que le fournisseur habituel de condensateurs n'a pas pu suivre la cadence de production. Samsung a dû se tourner vers un autre fabricant de condensateurs dont les produits se sont avérés être de piètre qualité. Le condensateur en question était par ailleurs situé près d'une source de chaleur, ce qui a accéléré son vieillissement. Il est difficile de dire si ce positionnement provient d'une erreur de conception ou si le condensateur initialement utilisé était dimensionné pour résister à cette agression supplémentaire. Les téléviseurs utilisant le condensateur de substitution sont tombés au champ d'honneur par légions.
»
« On voit ici que la responsabilité du fabricant peut bien être engagée au titre d'une négligence dans la gestion des achats et de l'assurance qualité mais pas au titre d'une panne programmée dès la conception
», écrivaient les élèves ingénieurs. Selon eux, « il ne faut pas se tromper de combat
». Par ailleurs, poursuivaient-ils, « suivre la robustesse des biens qui sortent d'une usine nécessite de suivre au plus près le processus de production
».
De la complexité des relations avec les fournisseurs
Or les relations entre un assembleur et ses fournisseurs peuvent s'avérer complexes : « Valeo nous a par exemple expliqué que les constructeurs automobiles ne lui donnaient pas toujours d'information sur l'emplacement de l'alternateur dans le bloc moteur. Ils se sont aperçus qu'un constructeur le plaçait derrière une roue de telle sorte que l'alternateur était constamment aspergé d'eau en conduite sur sol mouillé. Une telle exigence sur l'étanchéité et la résistance à la corrosion de l'alternateur n'avait pas été envisagée lors de la conception, ce qui a conduit à des problèmes de fiabilité. De la même manière, les collecteurs électriques de l'alternateur s'endommageront plus vite s'il est situé à proximité de l'embrayage qui génère de la poussière qui perturbe le contact électrique. Une coopération étroite entre les acteurs est donc nécessaire pour traiter efficacement la question de la durée de vie.
»
Non contents de venir en aide à ceux qui le sollicitaient, le réparateur cité plus haut aurait interpellé d'autres possesseurs du lave-linge incriminé : des personnes ayant mis leur machine en vente sur le Bon coin, dans l'espoir qu'un acheteur serait intéressé pour y prélever des pièces. Ils ignoraient qu'une quarantaine d'euros auraient suffi à remettre leur machine en marche ! Mais c'était déjà trop tard : ils avaient tous investi dans un nouvel appareil. Reste une question à poser – fondamentale : avaient-ils repris une machine de même marque ? Déçus par leur précédent achat, peut-être auront-ils préféré se tourner vers la concurrence. Preuve, le cas échéant, qu'une politique d'obsolescence programmée n'a pas lieu d'être ; parce que ceux qui seraient susceptibles de la mettre en œuvre n'y auraient de toute façon aucun intérêt.